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TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE
DE BRUXELLES
DU 4 FEVRIER 2020
EN CAUSE DE:
UNIA - Le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les
discriminations, BCE 0548. 895. 779, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue Royale, 138 ;
Partie demanderesse,
Représentée par Me V. V. D. P., avocat à Bruxelles, X ;
CONTRE :
La SA S., BCE X, dont le siège social est établi à Bruxelles, X ;
Partie défenderesse,
Représentée par Me D. A., avocat à Overijse, X ;
EN PRESENCE DE :
L'ASBL L. L. D. D. H., BCE X, dont le siège social est établi à Bruxelles, X ;
Partie intervenante volontaire,
Représentée par Me A. D., avocat à Bruxelles, X ;
ET:
1) MADAME R. E. K., NN X, domiciliée à Schaerbeek, X ;
2) MADAME L., NN X, domiciliée à Bruxelles, X ;
3) MADAME N. D., NN X, domiciliée à Bruxelles, X;
Parties intervenantes volontaires,
Toutes les trois représentées par Me A. D., avocat à Bruxelles, X :
2  
  
En cette cause, prise en délibéré le 16 décembre 2019, le tribunal prononce le jugement suivant.
Vu les pièces de la procédure et plus particulièrement :
- La requête comme en référé déposée par la partie UNIA le 28 janvier 2019 ;
- La requête en intervention volontaire déposée à l'audience le 18 février 2019 ;
- Le jugement en réouverture des débats prononcé le 27 mars 2019 et les pièces de procédure y
visées ;
- La requête en intervention volontaire déposée à l'audience du 05 avril 2019 ;
- La requête en intervention volontaire déposée à l'audience du 28 juin 2019 ;
- La requête en intervention volontaire déposée à l'audience du 28 juin 2019 ;
- L'ordonnance 747, § 1er du Code judiciaire prononcée le 28 juin 2019 ;
- Les conclusions d'UNIA déposées au greffe le 28 février 2019 ;
- Les conclusions d'UNIA déposées au greffe le 09 septembre 2019 ;
- Les conclusions additionnelles et de synthèse d'UNIA déposées au greffe le 19 novembre 2019
;
- Les conclusions de la SA S. reçues par fax le 05 mars 2019 et déposées au greffe le 6 mars 2019;
- Les conclusions de la SA S. déposées au greffe le 24 juin 2019 ;
- Les conclusions additionnelles de la SA S. reçues par fax le 24 octobre 2019 et déposées au
greffe le 25 octobre 2019 ;
- Les conclusions de synthèse de la SA S. déposées au greffe le 12 décembre 2019 ;
- Les conclusions de l'ASBL L. L. D. D. H. déposées au greffe le 16 septembre 2019;
- Les conclusions additionnelles et de synthèse de l'ASBL L. L. D. D. H. déposées au greffe le 19
novembre 2019 ;
- Les conclusions de Mme T., Mme E. K. et Mme D. déposées au greffe le 16 septembre 2019 ;
- Les conclusions de Mme T., Mme E. K. et Mme D. déposées au greffe le 19 novembre 2019 ;
Entendu en leurs plaidoiries les conseils des parties à l'audience publique précitée.
1) CONTEXTE FACTUEL :
1.
LA S.A. S. est une société anonyme qui exploite trois grands centres de fitness, à savoir S. K. à
Schaerbeek, S. 1 à Molenbeek-St-Jean et S. C. à Gand.
2.
Le 18 octobre 2017, Madame M., qui souhaite garder l'anonymat, achète un abonnement « Domi Best
Price Club Mem . K..
Cet abonnement donne accès aux infrastructures de S. K. au X à Schaerbeek.
Madame M. indique lors de sa commande qu'elle souhaite activer son abonnement le 22 octobre 2017.
Cette dernière lit al
tobre 2017).
Les conditions générales de vente stipulent ce qui suit :
3  
  
« La signature de la présente convention implique que vous acceptiez les conditions de vente ainsi que
le règlement d'ordre intérieur (disponible à la réception et accrochés à divers endroits dans le club) dont
le client a pris connaissance avant la signature de la présente » (traduction libre acceptée par les parties).
Le règlement interne n'étant pas disponible sur le site internet, Madame M. n'a pas pu en prendre
connaissance à ce moment.
3.
Le 22 octobre 2017, Madame M. se rend au S. T. pour signer son contrat et commencer une première
séance de sport, comme mentionné dans la réservation en ligne.
Elle déclare qu'une collaboratrice lui explique alors les détails pratiques du centre de sport. Les
conditions de vente sont identiques à celles que Madame M. a acceptées en ligne, à l'exception de la
partie Remboursement (le fait d'avoir acheté l'abonnement en ligne donne droit à 14 jours pour se
rétracter).
Madame M. signe alors son contrat avec la S.A. S..
Madame M. expose qu'après avoir signé le contrat, au moment d'ouvrir le portique d'accès à la salle de
sport et une fois toutes les modalités pratiques d'inscription terminées, la collaboratrice précise alors à
Madame M. que le port de couvre-chef est interdit dans l'établissement.
En effet. Madame M. porte le voile en raison de ses convictions religieuses.
Madame M., qui est une ancienne cliente du S. 1, demande les raisons de cette interdiction. Il lui est
répondu que le centre sportif interdit le port du couvre-chef pour des raisons de sécurité.
Madame M. demande alors l'annulation de son contrat et le remboursement de l'abonnement. La
collaboratrice lui propose de revenir le lendemain, car le responsable n'était pas là pour procéder au
remboursement.
Le 23 octobre 2017, Madame M. retourne au S. T. pour demander le remboursement de son abonnement.
Cette dernière demande également au responsable de lui fournir une copie du règlement.
D'après Madame M., le règlement est affiché à l'intérieur de l'établissement et n'est visible qu'une fois
les portiques franchis.
D'après la S.A. S., le règlement d'ordre intérieur est affiché à plusieurs endroits, notamment au niveau
du sas d'entrée du Centre, imprimé en A3.
4.
Le règlement d'ordre intérieur des différents centres de la S.A. S. prévoit ce qui suit :
« Pour raison de sécurité des casquettes, écharpes, vêtements avec capuchon, couvre-chef, ou tout autre
vêtement ample ou accessoire vestimentaire, sont interdits. Pour des raisons de santé, des exceptions.
pourront être accordées, en commun accord avec le responsable. Les longs cheveux doivent
obligatoirement être attachés » (Pièce n°5 d'Unia).
5.
Le 6 novembre 2017, Madame M. rédige un courrier recommandé à l'attention de la direction la S.A.
S., souhaitant poursuivre son expérience sportive d'il y a 6 ans, au sein de S. K. (Pièce n°2 d'Unia).
Elle insiste sur le fait qu'elle sera munie d'un voile parfaitement adapté à la pratique sportive en toute
sécurité et transmet, en pièce jointe, la référence d'un article mis sur le marché qui permet de pratiquer
4  
  
du sport avec un foulard (Pièce n°3 d'Unia). Elle précise que ce voile sportif est porté par des sportives
qui participent à des compétitions sportives de haut niveau, y compris les Jeux Olympiques,
6.
Le 9 novembre 2017, le centre S. T. répond par recommandé à Madame M. en se référant à leur
règlement d'ordre intérieur et au fait que l'abonnement de Madame M. a été annulé à sa demande, suivi
d'un remboursement.
Selon le centre, il est, par conséquent, impossible de faire suite à la demande de Madame M. car cette
dernière n'est pas cliente chez eux (Pièce n°4 d'Unia).
7.
Le 13 décembre 2017, UNIA rédige un courrier à l'attention de la S.A. S. afin d'organiser une rencontre,
après avoir été mis au courant de l'interdiction générale de tout couvre-chef prévu dans le règlement
d'ordre intérieur du S. K..
UNIA rappelle que « la conviction religieuse est une liberté fondamentale, et que l'expression de cette
conviction, par exemple le port du voile islamique, est également protégée à ce titre. Cette liberté
fondamentale ne peut être confondue avec un style vestimentaire (comme le port d'un capuchon ou d'une
casquette) » (Pièce n°6 d'Unia).
Le 13 février 2018, UNIA renvoie un rappel et sollicite une réponse de la part de S.A. S. (Pièce n*7
d'Unia).
8.
Le 15 février 2018, la S.A. S. répond en demandant que les courriers qui lui sont adressés soient envoyés
en néerlandais et par courrier recommandé (Pièce n°8 d'Unia).
9.
Le 14 mars 2018, un courrier recommandé est envoyé dans tes deux langues dans les termes suivants :
« Notre courrier avait été rédigé initialement en Français parce que la requérante est francophone et qu'il
est évidemment essentiel que celle-ci puisse comprendre la correspondance échangée dans le cadre de
son dossier. Par ailleurs, nous avons pris connaissance du courrier que vous avez adressé en Français à
Madame M de sorte que nous avons estimé pouvoir poursuivre la gestion de ce dossier en Français.
Toutefois, afin de respecter votre demande tout en veillant à la compréhension des échanges par Madame
M., nous rédigerons à l'avenir toute correspondance dans ce dossier dans les deux langues, en Français
ainsi qu'en Néerlandais ».
« Une interdiction générale du port de couvre-chefs constitue une discrimination indirecte sur base de
la conviction religieuse si cette distinction de traitement ne peut être justifiée objectivement par un but
légitime et/ou si les moyens pour atteindre cet objectif ne sont pas adaptés et/ou nécessaires.
Dans le cas d'espèce, nous estimons qu'il est possible d'atteindre l'objectif de sécurité en autorisant le
port d'un couvre-chef spécifique adapté au sport tel que celui proposé par Madame M. d'autant que celui-
ci a été conçu spécialement pour exercer des activités sportives.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, nous aimerions par ce courrier vous demander si vous seriez
disposé à:
- donner une suite favorable à la demande de Madame M et l'autoriser à s'inscrire dans la salle de
fitness à Schaerbeek à condition qu'elle porte un foulard sportif tel que le foulard proposé par cette
dernière :
- donner également une suite favorable à notre demande d'adapter votre règlement afin que les
usagers puissent porter un couvre-chef pour motif religieux à certaines conditions. » (Pièce n°9 de Unia)
5  
  
Le 24 mai 2018, UNIA a à nouveau contacté la S.A. S. afin d'avoir une réponse à ses différents courriers
(Pièce n°10 d'Unia).
10.
Le 18 juin 2018, les conseils de la S.A. S. ont répondu en faisant référence à l'arrêt prononcé le 8
septembre 2015 entre les parties par la Cour d'appel de Bruxelles qui est passé en force de chose jugée.
Il n'y a, dès lors, pas lieu à adapter le règlement (Pièce n°11 d'Unia).
11.
A défaut de solution amiable, UNIA a déposé la présente requête en cessation de discrimination le 28
janvier 2019 à l'encontre de la S.A. S..
12.
Par requête déposée le 18 février 2019, l'ASBL L. L. D. D. H. est intervenue volontairement à la présente
cause.
13.
Par Ordonnance rendue comme en référé le 27 mars 2019, il n'a pas été fait droit à la demande de
changement de langue formulée par la S.A. S..
14.
Par requête déposée le 5 avril 2019, Madame E. K. est ensuite intervenue volontairement à la présente
cause.
Par requêtes déposées le 28 juin 2019, Madame T. et Madame D. sont également intervenues
volontairement à la présente cause.
15.
Madame T. expose ce qui suit :
Une samedi après-midi du mois de novembre 2018, elle s'est présentée à la réception de la salle S. 1
située à 1080 Molenbeek-Saint-Jean, avenue du S. 1 dans la partie « ELLE » réservée exclusivement
aux femmes afin de se renseigner sur les promotions des abonnements concernant les activités pour
femmes.
Une employée de la réception lui donne les renseignements demandés et lui fait visiter les lieux. A aucun
moment, elle ne mentionne la question du port du foulard ou une tenue à porter lors des activités.
En effet, Madame T. porte le voile en raison de ses convictions religieuses.
Une semaine plus tard, un dimanche après-midi, elle se rend sur place afin de conclure son abonnement
et prend les derniers renseignements concernant la piscine et la salle réservée aux femmes. Un homme
à la réception lui donne les informations mais précise que « le port du couvre-chef est interdit dans la
salle réservée aux femmes » et qu'il est amené à entrer dans cette salle pour effectuer des visites avec
les futures clientes.
La requérante lui fait part de son étonnement et lui demande ce qu'il entend par couvre-chef. Il lui répond
: « foulard, turban, bandana, casquette ». Et il ajoute « oui, il faut être tête nue ».
Elle lui répond alors que cela ne la dérange pas qu'il entre dans la salle mais que c'est une interdiction
assez étrange puisque le bandana et la casquette font souvent partie de la tenue standard des sportifs. Il
n'a rien répondu.
Elle a alors quitté les lieux sans rien ajouter.
6  
  
16.
Madame E. K. expose, pour sa part, ce qui suit :
En février 2019, elle décide de fréquenter le club de sport S. T. à Schaerbeek.
Le samedi 23 février 2019, elle s'est rendue au centre S. T. à Schaerbeek pour acheter un abonnement.
Cet abonnement donne accès aux infrastructures de S. K. au X à Schaerbeek.
La personne de l'accueil lui fait signer le contrat et lui explique certains détails liés aux installations
sportives. Une fois l'abonnement payé, la personne de l'accueil lui demande si elle a lu le Règlement
d'ordre intérieur qui est affiché à l'entrée du centre sportif et lui dit qu'elle ne peut pas porter de couvre-
chef dans les installations sportives.
En effet, Madame E. K. porte le voile en raison de ses convictions religieuses.
Elle répond que c'est impossible pour elle. Une fois toutes les modalités pratiques d'inscription
terminées, le centre sportif annule alors l'abonnement de la requérante et lui rembourse le montant qu'elle
vient de payer.
17.
Madame D. expose, quant à elle, ce qui suit :
En avril 2019, elle décide de fréquenter le club de sport S. 1 à Molenbeek Saint-Jean.
Le 19 avril 2019, elle-même et son amie ont rendez-vous à la salle de sport S. 1 dans l'espace « ELLE »
réservé aux femmes afin de s'inscrire. Elles sont toutes les deux accueillies par une employée de la salle
qui se charge de leur faire visiter la salle de sport et les installations.
Suite à la visite, elle signe le contrat et paie les deux premiers mois de l'abonnement ainsi que les frais
de cotisation.
Le 22 avril 2019, elle s'est rendue à la salle de sport afin de commencer un premier entraînement. Elle
est agréablement accueillie par la personne à l'accueil. Lors d'un exercice de fitness, elle est interpellée
par un coach, Vincent, qui lui indique que son couvre-chef est interdit.
En effet, Madame D. porte le voile en raison de ses convictions religieuses.
Etonnée, elle lui répond que lors de l'inscription, les trois membres du personnel ne l'ont pas tenue
informée que sa tenue poserait problème. Elle demande alors la justification de cette interdiction.
Elle déclare que le coach lui a donné les trois arguments suivants :
- La salle de sport interdit le couvre-chef pour une question d'hygiène car toute la transpiration va
dans les cheveux, il n'y pas d'aération et donc cela dégage une odeur ;
- D'un point de vue personnel, la salle de sport tend vers un 5 étoiles et le couvre-chef n'est pas
compatible avec cela ;
- La salle de sport vise la qualité.
Le coach s'en est alors référé au règlement d'ordre intérieur pour justifier l'interdiction.
Après cette discussion, elle déclare avoir demandé à voir le responsable car elle ne pouvait accepter ce
type d'humiliation.
Une fois sa séance de sport terminée, elle a rejoint l'accueil afin de discuter avec le responsable.
Lorsqu'elle a demandé la raison de cette interdiction, il lui est répondu que ce serait pour une question
de sécurité.
7  
  
2) OBJET DE LA DEMANDE
18.
UNIA demande au Président siégeant comme en référé de :
- Déclarer que l'interdiction de porter un couvre-chef dans les installations sportives de le S.A. S.
constitue une discrimination directe, à tout le moins une discrimination indirecte, fondée sur la
conviction religieuse musulmane de Madame M. ;
- Déclarer nulle la disposition qui prévoit l'interdiction de porter un couvre-chef dans le règlement
intérieur des installations sportives de la S.A. S., conformément à l'article 15 de la loi anti
discrimination du 10 mai 2007 ;
- Ordonner à S.A. S. de modifier le règlement intérieur de ses installations sportives dans un délai
de vingt jours à compter du prononcé du jugement à intervenir de telle sorte qu'il soit
expressément indiqué que, en ce qui concerne l'interdiction de porter un couvre-chef, une
exception de principe s'applique aux personnes portant un couvre-chef approprié pendant le
sport, en raison de leur conviction religieuse, sous peine d'une astreinte d'un montant de 1.500
S. ne modifie pas son règlement ;
- Ordonner la cessation immédiate, dès le prononcé de l'ordonnance à intervenir, de toute pratique
discriminatoire tant à l'égard de Madame M, partie demanderesse, que de tout autre client sur
base de sa conviction religieuse dans le cadre de couvre-chef porté pour faire du sport ;
- Condamner la partie défenderesse à donner accès au centre sportif à la partie demanderesse ; -
Ordonner à la S.A. S. pendant trois mois à compter de la signification d'afficher le
jugement à intervenir tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de ses différentes installations sportives ;
- Condamner la partie défenderesse à octroyer à UNIA le montant d'un euro à titre provisionnel à
titre d'indemnité forfaitaire, pour un dommage, évalué - sous toute réserve - à minimum 1.300
- Déclarer que le jugement à intervenir est exécutoire à titre provisoire, nonobstant tout recours
judiciaire et toute caution ;
- Condamner la partie défenderesse aux frais et dépens de l'instance en ce compris l'indemnité de
19.
L. L. D. D. H. demande de :
- Dire pour droit que Madame M. a été victime d'une discrimination directe et/ou à titre subsidiaire
indirecte, sur la base de la conviction religieuse et du genre et que la partie défenderesse en est
l'auteure, et ordonner la cessation de cette pratique discriminatoire illégale ;
- Ordonner la cessation immédiate, dès le prononcé de l'ordonnance à intervenir, de toute pratique
discriminatoire tant à l'égard de Madame M, partie demanderesse, que de tout autre client sur
base de sa conviction religieuse dans le cadre de couvre-chef porté pour faire du sport ;
- Ordonner à la S.A. S. de modifier le règlement intérieur de ses installations sportives dans un
délai de vingt jours à compter du prononcé du jugement à intervenir de telle sorte qu'il soit
expressément indiqué que, en ce qui concerne l'interdiction de porter un couvre-chef, une
exception de principe s'applique aux personnes portant un couvre-chef approprié pendant le
sport, en raison de leur conviction religieuse, sous peine d'une astreinte d'un montant de 1.500
S. ne modifie pas son règlement ;
-
discrimination exercée, au bénéfice des victimes de discrimination ;
- Condamner la partie défenderess
discrimination exercée, au bénéfice de la partie intervenante volontaire ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant tout recours, et sans
possibilité de cantonnement ou de cautionnement ;
- Condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris
l'indemnité de procédure ;
- A titre subsidiaire, d'adresser à la Cour de Justice, les questions préjudicielles suivantes :
8  
  
1. Un règlement d'ordre intérieur d'une salle de sport, qui interdit le port de tout couvre-chef dans
l'établissement « pour raison de sécurité », mais qui accorde cependant des exceptions « pour
des raisons de santé », engendre-t-il une discrimination indirecte fondée sur le sexe, au sens de
l'article 2, point b) de la directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en
biens et services et la fourniture de biens et services, au motif du désavantage particulier créé à
l'égard des clientes qui observent certaines règles vestimentaires destinées à se couvrir les
cheveux en raison de leurs convictions religieuses ?
En particulier :
a) L'interdiction générale de tout couvre-chef prévue dans un règlement d'ordre intérieur d'une salle
de sport, peut-elle être considérée comme un moyen approprié, nécessaire et proportionné (au sens strict)
à la réalisation du but légitime de garantir la sécurité, au sens de l'article 2, point b) de la directive
2004/113 alors que des exceptions à l'interdiction sont accordées « pour des raisons de santé » ?
b) L'interdiction générale de tout couvre-chef, prévue dans un règlement d'ordre intérieur d'une
salle de sport, peut-elle être considérée comme un moyen approprié, nécessaire et proportionné (au sens
strict) à la réalisation du but légitime de garantir la sécurité, au sens de l'article 2, point b) de la directive
2004/113 alors qu'une alternative, telle que le port d'un couvre-chef spécialement conçu pour le sport,
n'a pas été envisagée ?
2. Dans le cas où Userait considéré que le règlement d'ordre intérieur d'une salle de sport, qui
interdit le port de tout couvre-chef aux clients de l'établissement a pour but réel d'imposer une
politique de neutralité de l'établissement plutôt que de garantir la sécurité, cela peut-il être
considéré comme un but légitime au sens de l'article 2, point b) de la directive 2004/113 ? Le
cas échéant, le moyen utilisé pour réaliser ce but, à savoir l'interdiction du port de tout couvre-
chef aux clients de l'établissement - et non pas aux seuls membres du personnel - apparaît-il
approprié, nécessaire et proportionné (au sens strict) à la réalisation de cet objectif ?
3. L'article 2, point b) de la directive 2004/113/CE, lu en combinaison avec le 3e considérant du
préambule de la directive 2004/113, interprété en conformité avec le droit fondamental à la non-
discrimination (article 21 de la Charte des droits fondamentaux) et la liberté de religion (article
8 de la Charte des droits fondamentaux), n'impose-t-il pas de prendre en considération le
caractère intersectionnel de la différence de traitement fondée sur le sexe, la religion et l'origine
ethnique, engendrée par un règlement d'ordre intérieur d'une salle de sport qui interdit le port de
tout couvre-chef dans l'établissement pour raison de sécurité, sauf exception pour des raisons de
santé, eu égard au désavantage particulier subi par les clientes de sexe féminin, qui se couvrent
les cheveux en raison de leur foi musulmane, et sont d'une origine ethnique minoritaire ?,
Et sur base des réponses obtenues, déclarer les demandes recevables et fondées ;
A titre infiniment subsidiaire, condamner les parties intervenantes volontaires in solidum à une seule et
même indemnité de procédure d'un montant de base.
20.
Madame T., Madame E. K. et Madame D. demandent de :
- Dire pour droit que les trois parties intervenantes volontaires, à savoir Madame T., Madame E.
K. et Madame D. ont été victimes d'une discrimination directe et/ou à titre subsidiaire indirecte,
sur la base de la conviction religieuse et du genre et que la partie défenderesse en est l'auteure,
et ordonner la cessation de cette pratique discriminatoire illégale ;
- Condamner la partie défenderesse au paie
discrimination exercée, au bénéfice de chaque partie intervenante volontaire ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant tout recours, et sans
possibilité de cantonnement ou de cautionnement ;
- Condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris
l'indemnité de procédure.
9  
  
21.
La S.A. S. demande de :
- Déclarer la demande d'UNIA irrecevable, à tout le moins non fondée ;
- La condamner aux frais de
- Déclarer la demande de la partie intervenante volontaire l'ASBL L. L. D. D. H. irrecevable, à
tout le moins non fondée ;
-
- Déclarer les demandes des parties intervenant volontairement Madame R. E. K., Madame T. et
Madame D. irrecevables, à tout le moins infondées ;
- Les condamner chacune aux frais de procédure, y compris l'indemnité de procédure évaluée à
3) APPRECIATION :
A) LA COMPETENCE
22.
UNIA et les parties intervenantes volontaires invoquent une discrimination dans l'une des matières
visées par de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination ('loi anti
discrimination'), en l'occurrence les articles 5, §1,1° et 8*.
23.
Les parties intervenantes volontaires invoquent, en outre, une discrimination dans l'une des matières
visées par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes
('loi genre'), plus précisément les articles 6, §1,1° et 8".
24.
L'article 20 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination ('loi anti
discrimination') et l'article 25 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les
femmes et les hommes (loi genre') permettent à UNIA, L. L. D. D. H. ou aux victimes d'un acte de
discrimination d'agir au civil devant le président du tribunal de première instance statuant comme en
référé pour constater l'existence et ordonner la cessation d'un acte, même pénalement réprimé,
constituant un manquement à leurs dispositions.
En application de l'article 624 du Code judiciaire, l'action en cessation peut, au choix du demandeur,
être portée devant le juge du lieu où l'acte incriminé a été commis ou encore devant le juge du lieu où
cet acte a causé préjudice, en l'espèce, à Bruxelles.
En conséquence, le Président du tribunal de première Instance de Bruxelles siégeant comme en référé
est matériellement et territorialement compétent.
B) L'AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE DE L'ARRET DU 8 SEPTEMBRE 2015
25.
La S.A. S. invoque l'autorité de la chose jugée de la décision prononcée le 8 septembre 2015 dans le
cadre d'une précédente procédure opposant UNIA au Centre K., qui fait obstacle à la réitération de sa
demande.
26.
Les antécédents de procédure de ce dossier sont les suivants :
- Par requête déposée, le 22 octobre 2013, devant le Président du tribunal de 1ère instance
néerlandophone de Bruxelles, le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre
le racisme (devenu actuellement UNIA) a déposé une requête en cessation de discrimination à
l'encontre de la S.A. S. ;
10  
  
- Par jugement du 2 juin 2014, le Président du tribunal de 1ère instance néerlandophone de
Bruxelles a débouté le Centre de sa demande ;
- Le 21 octobre 2014, le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme
a interjeté appel de cette décision ;
- Par un arrêt du 8 septembre 2015, la Cour d'appel de Bruxelles a confirmé la décision dont
appel ;
- Cette décision a actuellement acquis force de chose jugée.
27.
L'article 23 du même Code dispose que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait
l'objet de la décision. Il faut que la demande soit la même, que la demande repose sur la même cause,
quel que soit le fondement juridique invoqué ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées
par elles et contre elles en la même qualité ».
L'autorité de chose jugée fait obstacle à la réitération de la demande (C. jud., art. 25). Il s'agit d'une fin
de non-recevoir.
28.
Aux termes de l'article 23 du Code judiciaire, pour qu'il y ait autorité de la chose jugée, il faut donc que
trois conditions soient remplies : la chose demandée doit être la même, la demande doit être fondée sur
la même cause et la demande doit être faite entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles
en la même qualité.
I. L'identité des parties
29.
Il y a, en l'espèce, sensu stricto identité des parties à la cause entre les deux procédures visées.
30.
Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'en vertu des articles 30 et 31 de la loi du 10 mai 2007 tendant
à lutter contre certaines formes de discrimination, UNIA peut agir tant à titre individuel qu'à titre
collectif afin d'ordonner la cessation d'un acte constituant un manquement aux dispositions qu'elle vise.
Lorsque la victime de la discrimination est une personne physique ou une personne morale identifiée,
l'action de UNIA ne sera recevable que s'il prouve qu'il a reçu son accord et la victime directe peut, dans
ce cas, si elle le souhaite, garder l'anonymat durant la procédure.
Cette double capacité à agir a été accordée à UNIA par le législateur afin de remédier à la faible
propension des victimes directes de discrimination à agir en justice et afin de leur permettre un accès
effectif à la justice et obtenir la réparation du préjudice subi.
31.
En l'espèce, UNIA défend l'intérêt individuel de Madame M. qui a donné son accord (pièce 1 de UNIA).
Il sollicite la cessation non seulement du comportement relatif à Madame M., mais encore du
comportement que la S.A. S. pourrait adopter à l'avenir à l'égard de toute autre personne qui, en raison
de sa conviction religieuse, se verrait refuser l'accès aux installations sportives de la S.A. S..
UNIA poursuit donc également un intérêt collectif.
32.
Dans le cadre de la procédure qui a conduit à l'arrêt du 8 septembre 2015, UNIA a poursuivi à la fois un
intérêt collectif mais est aussi intervenu pour le compte ou à l'appui de deux autres victimes, à savoir
Madame H. et Madame K., avec leur approbation.
11  
  
UNIA a donc introduit cette procédure en justice aux cotés ou en lieu et place de deux autres victimes
que Madame M.
Dans cette mesure, l'on ne peut, dès lors, parler de parties identiques au procès, les situations respectives
des victimes étant assurément distinctes.
Ii L'identité d'objet
33.
Pour ce qui concerne l'identité d'objet, les premier et quatrième chefs de la demande introduite par UNIA
dans le cadre de la présente action sont effectivement identiques à ceux formés antérieurement devant
la Cour d'appel, même si ces demandes sont formulées différemment.
Il y a lieu de constater que de nouvelles demandes ont cependant été formulées par UNIA dans le cadre
de la présente procédure.
iii. L'identité de la cause
34.
Il est de principe que l'exception de la chose jugée doit être écartée lorsqu'une prétention tendant aux
mêmes fins, à rencontre du même adversaire, mais fondée sur une autre cause est réitérée.
La cause s'entend « comme de l'ensemble des faits spécialement invoqués au soutien des prétentions, ou
simplement allégués en périphérie de celles-ci» (v. D., J.-F., B., F., « 2.8.1 - Extension de l'autorité de
la chose jugée par la loi « pot-pourri I » du 19 octobre 2015 » in Pot-pourri 1 et autres actualités de droit
judiciaire, Bruxelles, Éditions Larder, 2016, p. 293-328).
La cause est modifiée si les circonstances de fait qui sont à la base de l'action sont modifiées (Loi Pot-
Pourri I, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n° 54-1219/001, p. 5).
Par changement de circonstances, il faut entendre des « faits réellement nouveaux modifiant la situation
juridique sur laquelle la décision antérieure a statué et non pas de simples éléments d'appréciation qui
n'auraient pas été produits en temps utile mais il ne peut s'agir que d'éléments nouveaux survenus après
la décision(...) » (G. D. L., «Le jugement», in Droit judiciaire, t. 2, Manuel de procédure civile (G. D.
L. dir.), Bruxelles, L., 2015, p. 716, n° 7.57, note (3053), citant notamment Cass., 15 décembre 1995,
Pas., 1995,1, p. 1166).
35.
En l'espèce, c'est le même règlement d'ordre intérieur de la S.A. S. qui est à l'origine de l'action entamée
par UNIA dans les deux procédures.
Il ne peut être contesté que celui-ci est demeuré inchangé ainsi que son application dans les centres
sportifs de la S.A. S..
Il ne peut également être contesté que, durant la procédure ayant conduit à l'arrêt du 8 septembre 2015,
le couvre-chef adapté à la pratique sportive a été évoqué à diverses reprises, même si la Cour d'appel ne
l'a pas mentionné explicitement dans son arrêt.
La Cour d'appel en avait donc bien connaissance et l'existence du voile sportif était indiscutablement
antérieure à ta procédure.
36.
Il n'en demeure pas moins que la question actuellement soulevée par UNIA de savoir si l'alternative de
porter un couvre-chef en vue de satisfaire à ses propres convictions religieuses qui soit adapté au sport
12  
  
- tel que celui proposé expressément par Madame M. dans te courrier qu'elle a adressé à la S.A. S. - n'a,
à aucun moment, été analysée dans la procédure menant à l'arrêt de la Cour d'appel.
Partant, les circonstances de fait qui sont à la base de l'action sont modifiées et les situations de fait des
deux procédures ne sont pas strictement superposables.
iv. Conclusions
37.
Il n'y a, en l'espèce, pas d'identité de parties, les victimes directes étant distinctes dans le cadre des deux
procédure.
Il n'y a également pas d'identité de la cause en raison d'un changement des circonstances de fait
invoquées entre la première et la seconde procédure.
Par conséquent, l'exception de l'autorité de la chose jugée soulevée par la S.A. S. doit être écartée.
Si l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée, il n'en reste pas moins que, dans le cadre de la
procédure au fond, un enseignement pourrait être tiré des décisions prononcées antérieurement.
38.
Il résulte de ce qui précède que l'action intentée par UNIA, qui a qualité et intérêt pour agir, doit être
déclarée recevable.
C) LA RECEVABILITE DES INTERVENTIONS VOLONTAIRES
39.
La S.A. S. invoque l'irrecevabilité de la demande formée par L. L. D. D. H. aux motifs que :
- Celle-ci se rallie à la demande de UNIA qui est, elle-même, irrecevable du fait de l'autorité de
la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 8 septembre 2015 ;
- Sa demande est identique à celle formulée par UNIA et concerne la même personne. Elle n'a
donc pas d'intérêt à agir ;
- Elle n'a pas reçu, préalablement à son intervention volontaire, l'accord de la victime tel que
prévu aux articles 31 et 36 de la loi du 10 mai 2017.
40.
Comme précisé plus haut, l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée en l'espèce et l'irrecevabilité
soulevée pour ce motif doit donc être écartée.
41.
L. L. D. D. H. dispose de la personnalité juridique et est autorisée à agir en justice, d'une part, en vertu
de l'article 35 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les
hommes et, d'autre part, de l'article 20 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes
de discrimination qui permettent à tout établissement d'utilité publique et toute association, jouissant de
la personnalité juridique depuis au moins trois ans à la date des faits, et se proposant par ses statuts de
défendre les droits de l'homme ou de combattre la discrimination, d'agir au civil devant le président du
tribunal de première instance statuant comme en référé pour constater l'existence et ordonner la cessation
d'un acte, même pénalement réprimé, constituant un manquement à ses dispositions.
Elle dispose d'un intérêt propre à agir, distinct de celui d'UNIA, en vertu de ses statuts.
Ensuite, et conformément à l'exigence formulée à l'article 36 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter
contre la discrimination entre les femmes et les hommes et à l'article 31 de la loi du 10 mai 2007 tendant
à lutter contre certaines formes de discrimination, le 1er février 2019, la victime a marqué expressément
13  
  
son accord sur cette action, soit antérieurement au dépôt de la requête en intervention de L. L. D. D. H.
intervenue le 5 avril 2019 (pièce 2 de la Ligue).
Il importe peu à cet égard que la décision prise par le Conseil d'administration de L. L. D. D. H.
d'introduire une action en cessation contre la S.A. S. soit antérieure à cet accord (pièce 1 de la Ligue).
L'intervention volontaire de L. L. D. D. H. sera, en conséquence de ce qui précède, déclarée recevable.
42.
La S.A. S. invoque également l'irrecevabilité de la demande formée par Madame T., Madame E. K. et
Madame D. aux motifs que :
- Celles-ci se rallient à la demande de UNIA qui est, elle-même, irrecevable du fait de l'autorité
de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 8 septembre 2015 ;
- Leur demande est identique à celle formulée par UNIA et L. L. D. D. H.. Elles n'ont, dès lors,
aucun intérêt à agir.
43.
Comme précisé plus haut, l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée en l'espèce et l'irrecevabilité
soulevée pour ce motif doit donc être écartée.
44.
Madame T., Madame E. K. et Madame D. sont autorisées à agir en justice en vertu de l'article 35 de la
loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes et de l'article
20 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination qui permettent à
toute victime d'agir au civil devant le président du tribunal de première instance statuant comme en
référé pour constater l'existence et ordonner la cessation d'un acte, même pénalement réprimé,
constituant un manquement à ses dispositions.
Elles disposent d'un intérêt direct et personnel à agir, dès lors qu'elles déclarent se voir refuser l'accès à
une salle de sport en raison de leur conviction religieuse et de leur genre et qu'elles s'estiment, de ce fait,
victimes d'une discrimination directe et/ou à titre subsidiaire, indirecte.
Leur intervention volontaire à la présente cause doit donc être déclarée recevable.
D) EXAMEN DU FOND DU LITIGE
45.
UNIA considère que le libellé du règlement d'ordre intérieur constitue une discrimination directe ou, à
tout le moins, indirecte au sens de la loi générale anti-discrimination du 10 mai 2007.
L. L. D. D. H. et les parties intervenantes volontaires soutiennent que le règlement d'ordre intérieur
constitue une discrimination directe ou, à tout le moins, indirecte au sens de la loi anti-discrimination
ainsi qu'au sens de la loi genre.
46.
Les principes d'égalité et de non-discrimination sont consacrés par diverses normes élaborées au niveau
international, notamment par l'Organisation des Nations Unies (art. 26 du PIDCP), le Conseil de l'Europe
(art. 14 CEDH et art. 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux) et, enfin, l'Union Européenne.
Plus précisément, l'Union européenne a, notamment, adopté une Directive 2000/78/CE du Conseil du
27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière
le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès des biens et services
et la fourniture de biens et services.
14  
  
Celles-ci ont été transposées en droit belge dans la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines
formes de discrimination (dite 'loi générale anti-discrimination') et la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter
contre la discrimination entre les femmes et les hommes (dite 'loi genre').
47.
Sur le plan national, la Constitution consacre, en ses articles.10 et 11, les principes d'égalité et de non-
discrimination. Ces principes ont une portée générale et interdisent toute discrimination, quelle qu'en
soit l'origine.
L'article 11bis vise plus spécifiquement les principes d'égalité et de non-discrimination en matière de
genre.
48.
L'article 19 de la Constitution consacre, quant à lui, la liberté de conscience et de religion, également
inscrit à l'article 9 de la CEDH.
La liberté de religion relève, dans sa composante absolue, du for intérieur. Il s'agit du droit de toute
personne d'avoir une religion, une croyance, une conviction et le droit d'en changer. Ce droit ne peut
faire l'objet d'aucune restriction.
Cette liberté implique également une composante relative, celle de manifester sa religion
individuellement, dans l'espace privé, ou de manière collective, en public, ceci par le culte,
l'accomplissement de rites, les pratiques et l'enseignement. Cette liberté implique corrélativement
l'obligation de tout un chacun de respecter les convictions d'autrui mais également les manifestations
visibles de celles-ci. La liberté de religion ne protège toutefois pas n'importe quel acte motivé ou inspiré
par une religion ou une conviction1
.
Cette composante relative peut, quant à elle, faire l'objet de certaines restrictions par l'Etat.
Ces limitations doivent, toutefois, répondre à certaines conditions. Elles doivent être prévues par la loi,
être justifiées par un but légitime, à savoir la sécurité publique, la protection de l'ordre, de la santé ou de
la morale publique, la protection des droits et libertés d'autrui et constituer des mesures nécessaires, dans
une société démocratique pour réaliser l'un de ces buts légitimes.
49.
L'article 14 de la loi générale anti-discrimination et l'article 19 de la loi genre énumèrent les différentes
formes de discrimination et, entre autres, la discrimination directe et la discrimination indirecte.
Ces comportements ne sont visés par ces législations que s'ils sont liés à un critère protégé énuméré dans
la loi applicable à la situation en cause.
L'un des critères protégés dans la définition de la discrimination directe et indirecte de la loi anti-
discrimination est la conviction religieuse ou philosophique.
La loi genre tend à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes et le critère protégé
est, dans ce cas, fondé sur le sexe.
50.
La loi générale anti-discrimination et la loi genre comprennent notamment les matières suivantes :
- L'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services à la disposition du public (art.
5, §1,1° et 6, §1,1") ;
- L'accès, la participation et tout autre exercice d'une activité économique, sociale, culturelle ou
politique accessible au public (art. 5, §1, 8° et 6, §1,8).
  
1
     C.E.D.H. (gde ch.), arrêt L. S. c. Turquie, 10 novembre 2005, req. n°44774/98, §105.  
15  
  
Cette interdiction de discrimination s'applique à toutes les personnes, tant pour le service public que
pour le secteur privé.
L'accès à une salle de sport, comme c'est le cas en l'espèce, est repris dans les matières énoncées ci-
dessus.
a. Quant à l'existence d'un critère protégé
51.
Il est de jurisprudence constante que le port du voile par une femme peut être considéré comme étant
constitutif de l'expression d'une conviction religieuse dès lors que cette femme le ressent comme tel et
le revêt pour ce motif.
Dans un tel contexte, le fait d'interdire le port du voile est constitutif d'une ingérence dans sa liberté de
religion, et, plus précisément, dans son droit de manifester ses convictions religieuses2
.
Nous sommes en présence d'un critère protégé par la loi générale anti-discrimination.
52.
Pour ce qui concerne la loi genre, il est soutenu par la L. D. D. H. et les parties intervenantes volontaires
que ces dernières et Madame M. font l'objet d'une discrimination parce qu'elles sont des femmes et
qu'elles sont musulmanes.
Elles font ainsi l'objet d'une discrimination en raison de la combinaison de plusieurs critères de
discrimination.
Dans ce cas, le critère du sexe à lui seul ne suffit pas à générer la discrimination. C'est parce qu'il est
combiné à un second motif (la religion musulmane en l'espèce) que le comportement discriminatoire
intervient.
Est alors dénoncée une « discrimination intersectorielle », celle qui résulte de l'intersection de plusieurs
critères3
.
Allant en ce sens, l'article 13c. de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes (CEDAW), que la Belgique a ratifiée en 1985, prévoit que « les Etats parties
s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes
dans d'autres domaines de la vie économique et sociale, afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme
et de la femme, les mêmes droits et, en particulier, (...) le droit de participer aux activités récréatives,
aux sports et à tous les aspects de la vie culturelle ».
  
2
     Ce raisonnement est admis tant par les juridictions européennes (voir note de bas de page n°14 à 16),
que par les juridictions suprêmes belges, cfr. notamment C. Const., 6 décembre 2012, arrêt n°145/2012 ;
CE. (9e ch.), 14 octobre 2014, n°228.752, Singh, §27.1 ; Cass. 9 octobre 2017, www.iuridat.be  
3
     S. F., « Intersectional discrimination in EU gender equality and non-discrimination law », European
network of legal experts in gender equality and non-discrimination (European Commission), Mai 2016;
Voy. Également Comité des Minsitres du Conseil de l'Europe, Les normes et mécanismes d'égalité entre
les hommes et les femmes, Recommandation CM/Rec (2017)17, Strasbourg, 2018, p. 33, §59 : «
Certains groupes de femmes se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable, due à la
combinaison de leur sexe avec d'autres facteurs, notamment leur(...) religion (...). En plus de la
discrimination fondée sur le sexe, ces femmes sont fréquemment soumises à un ou plusieurs autres
types de discrimination ».  
16  
  
b. Quant à l'existence d'une discrimination directe
53.
Il est question de discrimination directe lorsqu'il existe une « distinction directe, fondée sur l'un des
critères protégés, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II [de la loi anti-
discrimination] » (art. 4,7° de la loi générale anti-discrimination) et lorsqu'il existe une « distinction
directe, fondée sur le sexe, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II (de la loi
genre] (art.5,6° de la loi genre).
Une distinction directe est « la situation qui se produit lorsque sur la base de l'un des critères protégés,
une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre personne ne l'est, ne l'a été ou ne le
serait dans une situation comparable » (art. 4, 6° de la loi générale anti-discrimination) et « la situation
qui se produit lorsque, sur la base du sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une
autre personne ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable » (art. 5,5° de la loi genre).
54.
La situation de discrimination dénoncée trouve son origine dans le règlement interne des différents
centres sportifs de la S.A. S. qui prévoit, dans sa rubrique « Tenue vestimentaire et accessoires » que :
« Pour raison de sécurité, des casquettes, écharpes, vêtements avec capuchon, couvre-chef, ou tout autre
vêtement ample ou accessoire vestimentaire, sont interdits. »
La phrase subséquente du règlement stipule ensuite que : « Pour des raisons de santé, des exceptions
pourront être accordées, en commun accord avec le responsable. Les longs cheveux doivent
obligatoirement être attachés. »
55.
Dans le règlement d'ordre intérieur litigieux, l'interdiction du port du couvre-chef est édictée de manière
générale et s'applique indifféremment à toute personne qui souhaite porter un couvre-chef, pour quelque
motif que ce soit, indépendamment de leur conviction religieuse ou philosophique ou de leur sexe.
Elle vise également tout couvre-chef quelconque, au même titre que les casquettes, écharpes, vêtements
avec capuchon ou tout autre vêtement ample ou accessoire vestimentaire.
La S.A. S. a opté pour une formulation qui englobe plusieurs situations susceptibles de causer problème,
sans prendre en considération en particulier la possibilité de porter un signe convictionnel religieux ou
philosophique, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme.
La seule exception visée est celle relative aux raisons de santé mais celle-ci vaut également pour tous
les utilisateurs des centres de manière indifférenciée, en ce compris ceux qui entendraient porter un
couvre-chef en tant que manifestation de leur conviction religieuse ou philosophique, et quel que soit
leur sexe.
56.
En conclusion, Madame M., les parties intervenantes volontaires ou tout autre femme de confession
musulmane qui entend porter un couvre-chef à titre de manifestation de sa conviction religieuse ou
philosophique ne sont pas traitées de manière moins favorable que les autres.
Dans cette mesure, le règlement litigieux n'instaure pas de discrimination fondée directement et
spécifiquement sur la religion ou le sexe et la religion, à l'égard de Madame M., des parties intervenantes
volontaires ou de toute autre personne qui entend porter un couvre-chef à titre de manifestation de sa
conviction religieuse ou philosophique.
c. Quant à l'existence d'une discrimination indirecte
57.
17  
  
Il est question de discrimination indirecte lorsqu'il existe « une distinction indirecte fondée sur l'un des
critères protégés, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II [de la loi anti-
discrimination]» (art. 4, 9° de la loi générale anti-discrimination) et lorsqu'il existe une «distinction
indirecte fondée sur le sexe, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions [de la loi genre] » (art.
5. 8° de la loi genre).
Une distinction indirecte est « la situation qui se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique
apparemment neutre est susceptible d'entraîner, par rapport à d'autres personnes, un désavantage
particulier pour des personnes caractérisées par l'un des critères protégés » (art. 4, 8° de la loi générale
anti-discrimination) et «/a situation qui se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique
apparemment neutre est susceptible d'entraîner, par rapport à d'autres personnes, un désavantage
particulier pour des personnes d'un sexe déterminé » (art. 5, 7° de la loi genre).
1°/ la distinction indirecte fondée sur la religion
58.
En l'espèce, en prohibant le port de tout couvre-chef sauf pour des raisons de santé, le règlement d'ordre
intérieur litigieux, malgré sa formule apparemment neutre, entraîne un désavantage particulier pour les
personnes qui font valoir que leur religion leur impose le port d'un signe particulier et qui entendent
manifester leur conviction religieuse par le port de ce signe.
Tel est le cas de Madame M. et des intervenantes volontaires qui puisent dans leur conviction religieuse
l'obligation de porter un voile.
Celles-ci sont alors face à un dilemme : soit elles retirent leur voile, soit elles doivent renoncer à avoir
accès à des activités sportives alors qu'il se doit d'être assuré, quelque que soit sa conviction religieuse,
le droit aux sports.
Il existe bien une distinction indirecte fondée sur la religion, comme l'a d'ailleurs affirmé précédemment
la Cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt du 8 septembre 2015.
2°/ la distinction indirecte fondée sur le genre
59.
Il ne ressort, en revanche, ni du règlement d'ordre intérieur litigieux ni des explications fournies par
Madame M. et les intervenantes volontaires que cette interdiction ciblerait en particulier les femmes de
confession musulmane qui seraient particulièrement désavantagées par rapport à d'autres personnes, en
raison des critères combinés de leur sexe et de leur conviction religieuse.
Les statistiques dont fait état L. L. D. D. H. à cet égard ne sont pas suffisamment significatives pour
établir que ce type d'interdictions touche principalement les femmes de religion musulmane « étant
donné qu'en Belgique, la majorité des personnes portant un couvre-chef pour raisons religieuses sont
des femmes de confession musulmane »4 5
et que l'interdiction visée crée un impact disproportionné sur
les femmes de confession musulmane qui portent le voile.
L'interdiction visée en l'espèce s'applique, en effet, à tous les groupes religieux de manière égale et peu
importe le genre.
  
4
     Statistiques recensées par L'Observatoire de la Liberté Religieuse dans son rapport de 2018 :
https://www.liberte-religieuse.org/belgique/ : « Musulmans : 6.5%, Autres (dont personnes juives) :
0.9% » ; E. B. et I. R., « Country report Non-discrimination Belgium Reporting period 1 January 2017 -
31 December 2017 », 2018, p.5 : « Musulmans (5 %), personnes juives (0,4 %) » (chiffres datant de
2012)  
5
     Centre interfédéral pour l'égalité des chances, « Le travail du Centre exprimé en chiffres pour l'année
2014 », octobre 2015, p. 30  
18  
  
Elle s'applique tout autant et indifféremment, par exemple, aux hommes juifs qui souhaitent porter la
kippa ou aux hommes sikhs qui souhaitent porter le turban.
L'existence d'une distinction indirecte fondée sur le genre, à savoir la combinaison des critères fondés
sur la conviction religieuse et le sexe n'est, dès lors, pas établie.
37 discrimination indirecte fondée sur la religion ?
60.
Il y a lieu de vérifier si cette distinction indirecte fondée sur la conviction religieuse ou philosophique
est constitutive ou non d'une discrimination indirecte.
61.
Pour pallier aux difficultés rencontrées par la victime de prouver qu'elle a été discriminée, les lois
fédérales ont adopté la règle du partage ou de l'aménagement de la charge de la preuve.
Aux termes de l'article 28, §1, de la loi anti-discrimination et de l'article 33 de la loi genre, lorsqu'une
personne qui s'estime victime d'une discrimination invoque devant une juridiction des faits qui
permettent de présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'un des motifs protégés, la charge
de la preuve se déplace et il incombe au défendeur de prouver qu'il n'y a pas eu de discrimination.
Dans un premier temps, la victime doit donc démontrer l'existence de faits permettant de présumer
l'existence d'une discrimination.
62.
En l'espèce, une présomption de discrimination indirecte fondée sur la conviction religieuse ou
philosophique est établie.
En effet, Madame M. et les intervenantes volontaires rapportent, avec suffisamment de détails et de
précision, les incidents auxquelles elles ont été confrontées lors de leur demande d'avoir accès aux salles
de sport munies de leur voile.
Ces déclarations convergentes n'ont pas fait l'objet de contestations par la S.A. S..
Le refus de prendre en considération la proposition de Madame M. d'avoir accès aux salles de sport en
portant un voile sportif vient également corroborer ces témoignages recueillis dans un processus de
vente d'un service à un client.
Ces éléments constituent un faisceau d'éléments qui laissent présumer une discrimination indirecte sur
la base du critère de la religion.
63.
La S.A S. fait valoir qu'une grande partie de la clientèle et du personnel de ses établissements sportifs
seraient des hommes ou des femmes d'origine étrangère de toute confession et qu'elle n'a, dès lors,
aucune intention ni même d'intérêt économique à discriminer sa clientèle.
Il y a lieu toutefois de rappeler que, ni dans le cas d'une discrimination indirecte, ni dans celui d'une
discrimination directe, les lois fédérales n'exigent de prouver que l'auteur de la mesure avait l'intention
de discriminer ou avait même conscience que son comportement était discriminatoire.
Seul le constat d'une discrimination est exigé et non la preuve d'une faute dans le chef de l'auteur du
traitement discriminatoire.
19  
  
Cette simple affirmation de la S.A. S. ne permet, dès lors, pas de renverser la présomption d'une
discrimination indirecte fondée sur la base du critère de la religion.
De même, l'existence des 'Women's corner' créés au sein des établissements de la S.A S. afin de respecter
une partie de sa clientèle féminine qui, pour des raisons de pudeur, d'intimité ou de malaise quant à leur
apparence physique, est réticente à fréquenter des salles mixtes n'est pas pertinente pour conclure à
l'absence de discrimination indirecte sur la base de la liberté religieuse.
d. Quant à l'existence d'un but légitime et l'adéquation des moyens réalisés pour y parvenir
64.
Selon l'article 9, alinéa 2, de la CDEH, « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut
faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires,
dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la
morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
65.
En droit belge, l'article 9 de la loi anti-discrimination du 10 mai 2007 prévoit que toute distinction
indirecte fondée sur l'un des critères protégés constitue une discrimination indirecte, à moins que la
disposition, le critère ou la pratique apparemment neutre qui est au fondement de cette distinction
indirecte soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but soient
appropriés et nécessaires.
Il appartient, par conséquent à la S.A S. d'apporter la preuve que les dispositions litigieuses du règlement
d'ordre intérieur sont objectivement justifiées par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but
sont appropriés et nécessaires.
66.
La S.A. S. expose que l'interdiction de porter un couvre-chef dans ses établissements sportifs n'est
motivé que par des raisons de sécurité envers les utilisateurs, que même le port d'un couvre-chef sportif
n'est pas sans risque et que celui-ci ne permet donc pas d'atteindre l'objectif d'exclure tout risque en
matière de sécurité.
La S.A. S. précise que l'exception prévue à l'interdiction de porter un couvre-chef en raison de l'état de
santé de l'utilisateur est strictement limitée et circonscrite aux cas où une personne serait atteinte de
maladies, telles que des maladies inflammatoires de la peau (type psoriasis,...), pour laquelle la pratique
d'un sport est autorisée mais qui nécessite néanmoins le port d'un couvre-chef pour des raisons d'hygiène
et de santé. Ce vêtement n'est, par ailleurs, accepté qu'après accord du et en concertation avec le
responsable.
Elle déclare qu'il est impossible d'exiger de demander à son personnel, sauf dans les cas exceptionnels
pour raisons de santé, de faire des vérifications auprès de ses 60.000 clients pour déterminer qui peut
avoir accès à certains appareils ou non dans ses centres et comment ces personnes doivent être vêtues.
67.
Selon UNIA et les intervenants volontaires, il y a lieu de se demander si le foulard porté pour une raison
religieuse cause un trouble réel et suffisamment grave au niveau de la sécurité des centres sportifs pour
justifier l'interdiction et si des mesures alternatives à l'interdiction moins attentatoires aux droits ne
permettraient pas d'atteindre le même but.
68.
Il n'est ni contesté ni contestable que l'objectif général poursuivi par les centres de sport d'assurer la
sécurité de leurs usagers est légitime, l'utilisation de certains appareils de fitness en portant un certain
type de vêtements pouvant se révéler dangereuse.
20  
  
Pour cette raison, les constructeurs de ces appareils (pièce 3 de la S.A. S.) recommandent expressément
de :
« NE PAS porter de vêtements amples ni de bijoux pendants lors de l'utilisation de l'appareil de
musculation à charge manuelle. Se tenir à distance des composants mobiles. Les vêtements amples ou
les bijoux pendants peuvent se prendre dans les pièces mobiles, pouvant ainsi entraîner des blessures ou
lésions graves ou abîmer vos vêtements ou bijoux » (sic).
Dans le même sens, la Cour d'appel de Bruxelles a rappelé, dans son arrêt du 8 mai 2015, que le principe
de sécurité peut permettre, dans certaines circonstances, de justifier une ingérence dans les droits et
libertés des utilisateurs des salles de sport afin que leur intégrité physique ne soit pas compromise.
Il s'agit là d'un but légitime qui répond au besoin réel de l'entreprise de préserver l'intégrité physique des
utilisateurs.
69.
L'interdiction de tout couvre-chef dans le règlement d'ordre intérieur litigieux permet indubitablement
de répondre à cet objectif légitime de sécurité. Elle contribue de manière certaine à la réalisation de cet
objectif.
La mesure apparemment neutre proposée est donc appropriée pour atteindre l'objectif légitime visé.
70.
Reste à examiner la question de savoir si la mesure apparemment neutre est nécessaire afin d'atteindre
l'objectif légitime poursuivi et si cet objectif ne peut être atteint avec d'autres moyens qui n'entraînent
pas une distinction indirecte.
71.
Dans la balance des intérêts, il y a lieu de prendre en considération les éléments suivants :
- La liberté religieuse est un droit fondamental et essentiel dans nos sociétés démocratiques et le
fait d'interdire le port du voile à un femme musulmane est constitutif d'une ingérence dans sa
liberté de religion et plus précisément, dans son droit de manifester ses convictions religieuses
;
- Les caractéristiques liées au port du voile classique sont intrinsèquement en contradiction avec
les règles de sécurité imposées par les constructeurs des engins de fitness, tout comme celles
liées notamment au turban ou à la kippa ;
- Il n'est cependant pas démontré que le port du voile adapté au sport de la marque Nike mis en
vente en Belgique depuis fin 2017, tel que celui proposé par Madame M. dans son courrier
adressé à la S.A. S., constitue une alternative acceptable en termes de sécurité en vue de
satisfaire à ses convictions religieuses. Il n'est, en effet, pas établi que ce foulard puisse être
porté de manière compatible avec les impératifs de sécurité tels qu'exigés dans des salles de
fitness pour certains appareils (risque p.e. que le voile se prenne dans divers mécanismes), il se
porte, en effet, relativement long et tombe au niveau des épaules. Il semble, par ailleurs, n'être
utilisé que pour l'extérieur, sans appareils ;
- Il ne peut également être exigé des centres sportifs de contrôler, au cas par cas, hormis les cas
exceptionnels pour raisons de santé, la conformité de chaque couvre-chef, de dire s'il est
spécifiquement adapté au sport et, de manière générale, de vérifier comment les personnes sont
vêtues. Il ne peut être également exigé du personnel de vérifier dans quelle zone du complexe
sportif un couvre-chef peut être admis ou non. Il convient également d'éviter toute discussion
avec le personnel concernant quel couvre-chef constituerait un danger pour la sécurité ou non.
Dans ces conditions, l'on ne peut raisonnablement exiger du règlement d'ordre intérieur de la
S.A. S. qu'il soit formulé autrement que de manière générale, une politique du cas par cas, n'étant
pas une alternative praticable.
21  
  
Eu égard à ces éléments, après avoir pris en compte la balance des intérêts, il appert que la solution
proposée par UNIA et les intervenants volontaires de porter le voile Nike adapté au sport n'est pas sans
risque en matière de sécurité et qu'il ne permet donc pas d'atteindre l'objectif légitime de sécurité visé.
Se justifie par conséquent la nécessité du maintien d'une interdiction générale qui constitue une
justification objective, raisonnable et proportionnée et, par conséquent, admissible au fait d'autoriser
uniquement des exceptions de porter le couvre-chef pour des raisons de santé et non sur la base de la
conviction religieuse.
72.
En conclusions, la mesure résiste au test de proportionnalité, les moyens employés étant appropriés et
nécessaires à l'objectif poursuivi.
Il y a lieu, par voie de conséquence, de déclarer l'action en cessation non fondée.
73.
UNIA, L. L. D. D. H. et les intervenantes volontaires succombant à leur action, il y a lieu de les
condamner aux dépens.
Il sera dû à la S.A S.
Toutefois, celle-
volontaires, en raison du caractère déraisonnable de la situation.
PAR CES MOTIFS,
Nous, L. V., juge désigné pour remplacer la présidente du tribunal de première instance francophone de
Bruxelles ;
Assisté de J-B. H., greffier délégué ;
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,
Déclarons recevables les interventions volontaires de L. L. D. D. H., de Mme E. K., de Mme T. et de
Mme D. ;
Disons l'action principale recevable mais non fondée :
Condamnons UNIA, L. L. D. D. H., Mme E. K., Mme T. et Mme D. aux dépens liquidés dans le chef
de la S.A S. L. L. D. D. H. . K., Mme T. et
Mme D. ;
En application de l'article 2692 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe,
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de la chambre des référés du tribunal de première instance
francophone de Bruxelles le 04 février 2020,
Où étaient présents et siégeaient :
Mme L. V., juge, M J-B H., greffier délégué,

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  • 1. TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BRUXELLES DU 4 FEVRIER 2020 EN CAUSE DE: UNIA - Le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations, BCE 0548. 895. 779, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue Royale, 138 ; Partie demanderesse, Représentée par Me V. V. D. P., avocat à Bruxelles, X ; CONTRE : La SA S., BCE X, dont le siège social est établi à Bruxelles, X ; Partie défenderesse, Représentée par Me D. A., avocat à Overijse, X ; EN PRESENCE DE : L'ASBL L. L. D. D. H., BCE X, dont le siège social est établi à Bruxelles, X ; Partie intervenante volontaire, Représentée par Me A. D., avocat à Bruxelles, X ; ET: 1) MADAME R. E. K., NN X, domiciliée à Schaerbeek, X ; 2) MADAME L., NN X, domiciliée à Bruxelles, X ; 3) MADAME N. D., NN X, domiciliée à Bruxelles, X; Parties intervenantes volontaires, Toutes les trois représentées par Me A. D., avocat à Bruxelles, X :
  • 2. 2     En cette cause, prise en délibéré le 16 décembre 2019, le tribunal prononce le jugement suivant. Vu les pièces de la procédure et plus particulièrement : - La requête comme en référé déposée par la partie UNIA le 28 janvier 2019 ; - La requête en intervention volontaire déposée à l'audience le 18 février 2019 ; - Le jugement en réouverture des débats prononcé le 27 mars 2019 et les pièces de procédure y visées ; - La requête en intervention volontaire déposée à l'audience du 05 avril 2019 ; - La requête en intervention volontaire déposée à l'audience du 28 juin 2019 ; - La requête en intervention volontaire déposée à l'audience du 28 juin 2019 ; - L'ordonnance 747, § 1er du Code judiciaire prononcée le 28 juin 2019 ; - Les conclusions d'UNIA déposées au greffe le 28 février 2019 ; - Les conclusions d'UNIA déposées au greffe le 09 septembre 2019 ; - Les conclusions additionnelles et de synthèse d'UNIA déposées au greffe le 19 novembre 2019 ; - Les conclusions de la SA S. reçues par fax le 05 mars 2019 et déposées au greffe le 6 mars 2019; - Les conclusions de la SA S. déposées au greffe le 24 juin 2019 ; - Les conclusions additionnelles de la SA S. reçues par fax le 24 octobre 2019 et déposées au greffe le 25 octobre 2019 ; - Les conclusions de synthèse de la SA S. déposées au greffe le 12 décembre 2019 ; - Les conclusions de l'ASBL L. L. D. D. H. déposées au greffe le 16 septembre 2019; - Les conclusions additionnelles et de synthèse de l'ASBL L. L. D. D. H. déposées au greffe le 19 novembre 2019 ; - Les conclusions de Mme T., Mme E. K. et Mme D. déposées au greffe le 16 septembre 2019 ; - Les conclusions de Mme T., Mme E. K. et Mme D. déposées au greffe le 19 novembre 2019 ; Entendu en leurs plaidoiries les conseils des parties à l'audience publique précitée. 1) CONTEXTE FACTUEL : 1. LA S.A. S. est une société anonyme qui exploite trois grands centres de fitness, à savoir S. K. à Schaerbeek, S. 1 à Molenbeek-St-Jean et S. C. à Gand. 2. Le 18 octobre 2017, Madame M., qui souhaite garder l'anonymat, achète un abonnement « Domi Best Price Club Mem . K.. Cet abonnement donne accès aux infrastructures de S. K. au X à Schaerbeek. Madame M. indique lors de sa commande qu'elle souhaite activer son abonnement le 22 octobre 2017. Cette dernière lit al tobre 2017). Les conditions générales de vente stipulent ce qui suit :
  • 3. 3     « La signature de la présente convention implique que vous acceptiez les conditions de vente ainsi que le règlement d'ordre intérieur (disponible à la réception et accrochés à divers endroits dans le club) dont le client a pris connaissance avant la signature de la présente » (traduction libre acceptée par les parties). Le règlement interne n'étant pas disponible sur le site internet, Madame M. n'a pas pu en prendre connaissance à ce moment. 3. Le 22 octobre 2017, Madame M. se rend au S. T. pour signer son contrat et commencer une première séance de sport, comme mentionné dans la réservation en ligne. Elle déclare qu'une collaboratrice lui explique alors les détails pratiques du centre de sport. Les conditions de vente sont identiques à celles que Madame M. a acceptées en ligne, à l'exception de la partie Remboursement (le fait d'avoir acheté l'abonnement en ligne donne droit à 14 jours pour se rétracter). Madame M. signe alors son contrat avec la S.A. S.. Madame M. expose qu'après avoir signé le contrat, au moment d'ouvrir le portique d'accès à la salle de sport et une fois toutes les modalités pratiques d'inscription terminées, la collaboratrice précise alors à Madame M. que le port de couvre-chef est interdit dans l'établissement. En effet. Madame M. porte le voile en raison de ses convictions religieuses. Madame M., qui est une ancienne cliente du S. 1, demande les raisons de cette interdiction. Il lui est répondu que le centre sportif interdit le port du couvre-chef pour des raisons de sécurité. Madame M. demande alors l'annulation de son contrat et le remboursement de l'abonnement. La collaboratrice lui propose de revenir le lendemain, car le responsable n'était pas là pour procéder au remboursement. Le 23 octobre 2017, Madame M. retourne au S. T. pour demander le remboursement de son abonnement. Cette dernière demande également au responsable de lui fournir une copie du règlement. D'après Madame M., le règlement est affiché à l'intérieur de l'établissement et n'est visible qu'une fois les portiques franchis. D'après la S.A. S., le règlement d'ordre intérieur est affiché à plusieurs endroits, notamment au niveau du sas d'entrée du Centre, imprimé en A3. 4. Le règlement d'ordre intérieur des différents centres de la S.A. S. prévoit ce qui suit : « Pour raison de sécurité des casquettes, écharpes, vêtements avec capuchon, couvre-chef, ou tout autre vêtement ample ou accessoire vestimentaire, sont interdits. Pour des raisons de santé, des exceptions. pourront être accordées, en commun accord avec le responsable. Les longs cheveux doivent obligatoirement être attachés » (Pièce n°5 d'Unia). 5. Le 6 novembre 2017, Madame M. rédige un courrier recommandé à l'attention de la direction la S.A. S., souhaitant poursuivre son expérience sportive d'il y a 6 ans, au sein de S. K. (Pièce n°2 d'Unia). Elle insiste sur le fait qu'elle sera munie d'un voile parfaitement adapté à la pratique sportive en toute sécurité et transmet, en pièce jointe, la référence d'un article mis sur le marché qui permet de pratiquer
  • 4. 4     du sport avec un foulard (Pièce n°3 d'Unia). Elle précise que ce voile sportif est porté par des sportives qui participent à des compétitions sportives de haut niveau, y compris les Jeux Olympiques, 6. Le 9 novembre 2017, le centre S. T. répond par recommandé à Madame M. en se référant à leur règlement d'ordre intérieur et au fait que l'abonnement de Madame M. a été annulé à sa demande, suivi d'un remboursement. Selon le centre, il est, par conséquent, impossible de faire suite à la demande de Madame M. car cette dernière n'est pas cliente chez eux (Pièce n°4 d'Unia). 7. Le 13 décembre 2017, UNIA rédige un courrier à l'attention de la S.A. S. afin d'organiser une rencontre, après avoir été mis au courant de l'interdiction générale de tout couvre-chef prévu dans le règlement d'ordre intérieur du S. K.. UNIA rappelle que « la conviction religieuse est une liberté fondamentale, et que l'expression de cette conviction, par exemple le port du voile islamique, est également protégée à ce titre. Cette liberté fondamentale ne peut être confondue avec un style vestimentaire (comme le port d'un capuchon ou d'une casquette) » (Pièce n°6 d'Unia). Le 13 février 2018, UNIA renvoie un rappel et sollicite une réponse de la part de S.A. S. (Pièce n*7 d'Unia). 8. Le 15 février 2018, la S.A. S. répond en demandant que les courriers qui lui sont adressés soient envoyés en néerlandais et par courrier recommandé (Pièce n°8 d'Unia). 9. Le 14 mars 2018, un courrier recommandé est envoyé dans tes deux langues dans les termes suivants : « Notre courrier avait été rédigé initialement en Français parce que la requérante est francophone et qu'il est évidemment essentiel que celle-ci puisse comprendre la correspondance échangée dans le cadre de son dossier. Par ailleurs, nous avons pris connaissance du courrier que vous avez adressé en Français à Madame M de sorte que nous avons estimé pouvoir poursuivre la gestion de ce dossier en Français. Toutefois, afin de respecter votre demande tout en veillant à la compréhension des échanges par Madame M., nous rédigerons à l'avenir toute correspondance dans ce dossier dans les deux langues, en Français ainsi qu'en Néerlandais ». « Une interdiction générale du port de couvre-chefs constitue une discrimination indirecte sur base de la conviction religieuse si cette distinction de traitement ne peut être justifiée objectivement par un but légitime et/ou si les moyens pour atteindre cet objectif ne sont pas adaptés et/ou nécessaires. Dans le cas d'espèce, nous estimons qu'il est possible d'atteindre l'objectif de sécurité en autorisant le port d'un couvre-chef spécifique adapté au sport tel que celui proposé par Madame M. d'autant que celui- ci a été conçu spécialement pour exercer des activités sportives. Au vu de l'ensemble de ces éléments, nous aimerions par ce courrier vous demander si vous seriez disposé à: - donner une suite favorable à la demande de Madame M et l'autoriser à s'inscrire dans la salle de fitness à Schaerbeek à condition qu'elle porte un foulard sportif tel que le foulard proposé par cette dernière : - donner également une suite favorable à notre demande d'adapter votre règlement afin que les usagers puissent porter un couvre-chef pour motif religieux à certaines conditions. » (Pièce n°9 de Unia)
  • 5. 5     Le 24 mai 2018, UNIA a à nouveau contacté la S.A. S. afin d'avoir une réponse à ses différents courriers (Pièce n°10 d'Unia). 10. Le 18 juin 2018, les conseils de la S.A. S. ont répondu en faisant référence à l'arrêt prononcé le 8 septembre 2015 entre les parties par la Cour d'appel de Bruxelles qui est passé en force de chose jugée. Il n'y a, dès lors, pas lieu à adapter le règlement (Pièce n°11 d'Unia). 11. A défaut de solution amiable, UNIA a déposé la présente requête en cessation de discrimination le 28 janvier 2019 à l'encontre de la S.A. S.. 12. Par requête déposée le 18 février 2019, l'ASBL L. L. D. D. H. est intervenue volontairement à la présente cause. 13. Par Ordonnance rendue comme en référé le 27 mars 2019, il n'a pas été fait droit à la demande de changement de langue formulée par la S.A. S.. 14. Par requête déposée le 5 avril 2019, Madame E. K. est ensuite intervenue volontairement à la présente cause. Par requêtes déposées le 28 juin 2019, Madame T. et Madame D. sont également intervenues volontairement à la présente cause. 15. Madame T. expose ce qui suit : Une samedi après-midi du mois de novembre 2018, elle s'est présentée à la réception de la salle S. 1 située à 1080 Molenbeek-Saint-Jean, avenue du S. 1 dans la partie « ELLE » réservée exclusivement aux femmes afin de se renseigner sur les promotions des abonnements concernant les activités pour femmes. Une employée de la réception lui donne les renseignements demandés et lui fait visiter les lieux. A aucun moment, elle ne mentionne la question du port du foulard ou une tenue à porter lors des activités. En effet, Madame T. porte le voile en raison de ses convictions religieuses. Une semaine plus tard, un dimanche après-midi, elle se rend sur place afin de conclure son abonnement et prend les derniers renseignements concernant la piscine et la salle réservée aux femmes. Un homme à la réception lui donne les informations mais précise que « le port du couvre-chef est interdit dans la salle réservée aux femmes » et qu'il est amené à entrer dans cette salle pour effectuer des visites avec les futures clientes. La requérante lui fait part de son étonnement et lui demande ce qu'il entend par couvre-chef. Il lui répond : « foulard, turban, bandana, casquette ». Et il ajoute « oui, il faut être tête nue ». Elle lui répond alors que cela ne la dérange pas qu'il entre dans la salle mais que c'est une interdiction assez étrange puisque le bandana et la casquette font souvent partie de la tenue standard des sportifs. Il n'a rien répondu. Elle a alors quitté les lieux sans rien ajouter.
  • 6. 6     16. Madame E. K. expose, pour sa part, ce qui suit : En février 2019, elle décide de fréquenter le club de sport S. T. à Schaerbeek. Le samedi 23 février 2019, elle s'est rendue au centre S. T. à Schaerbeek pour acheter un abonnement. Cet abonnement donne accès aux infrastructures de S. K. au X à Schaerbeek. La personne de l'accueil lui fait signer le contrat et lui explique certains détails liés aux installations sportives. Une fois l'abonnement payé, la personne de l'accueil lui demande si elle a lu le Règlement d'ordre intérieur qui est affiché à l'entrée du centre sportif et lui dit qu'elle ne peut pas porter de couvre- chef dans les installations sportives. En effet, Madame E. K. porte le voile en raison de ses convictions religieuses. Elle répond que c'est impossible pour elle. Une fois toutes les modalités pratiques d'inscription terminées, le centre sportif annule alors l'abonnement de la requérante et lui rembourse le montant qu'elle vient de payer. 17. Madame D. expose, quant à elle, ce qui suit : En avril 2019, elle décide de fréquenter le club de sport S. 1 à Molenbeek Saint-Jean. Le 19 avril 2019, elle-même et son amie ont rendez-vous à la salle de sport S. 1 dans l'espace « ELLE » réservé aux femmes afin de s'inscrire. Elles sont toutes les deux accueillies par une employée de la salle qui se charge de leur faire visiter la salle de sport et les installations. Suite à la visite, elle signe le contrat et paie les deux premiers mois de l'abonnement ainsi que les frais de cotisation. Le 22 avril 2019, elle s'est rendue à la salle de sport afin de commencer un premier entraînement. Elle est agréablement accueillie par la personne à l'accueil. Lors d'un exercice de fitness, elle est interpellée par un coach, Vincent, qui lui indique que son couvre-chef est interdit. En effet, Madame D. porte le voile en raison de ses convictions religieuses. Etonnée, elle lui répond que lors de l'inscription, les trois membres du personnel ne l'ont pas tenue informée que sa tenue poserait problème. Elle demande alors la justification de cette interdiction. Elle déclare que le coach lui a donné les trois arguments suivants : - La salle de sport interdit le couvre-chef pour une question d'hygiène car toute la transpiration va dans les cheveux, il n'y pas d'aération et donc cela dégage une odeur ; - D'un point de vue personnel, la salle de sport tend vers un 5 étoiles et le couvre-chef n'est pas compatible avec cela ; - La salle de sport vise la qualité. Le coach s'en est alors référé au règlement d'ordre intérieur pour justifier l'interdiction. Après cette discussion, elle déclare avoir demandé à voir le responsable car elle ne pouvait accepter ce type d'humiliation. Une fois sa séance de sport terminée, elle a rejoint l'accueil afin de discuter avec le responsable. Lorsqu'elle a demandé la raison de cette interdiction, il lui est répondu que ce serait pour une question de sécurité.
  • 7. 7     2) OBJET DE LA DEMANDE 18. UNIA demande au Président siégeant comme en référé de : - Déclarer que l'interdiction de porter un couvre-chef dans les installations sportives de le S.A. S. constitue une discrimination directe, à tout le moins une discrimination indirecte, fondée sur la conviction religieuse musulmane de Madame M. ; - Déclarer nulle la disposition qui prévoit l'interdiction de porter un couvre-chef dans le règlement intérieur des installations sportives de la S.A. S., conformément à l'article 15 de la loi anti discrimination du 10 mai 2007 ; - Ordonner à S.A. S. de modifier le règlement intérieur de ses installations sportives dans un délai de vingt jours à compter du prononcé du jugement à intervenir de telle sorte qu'il soit expressément indiqué que, en ce qui concerne l'interdiction de porter un couvre-chef, une exception de principe s'applique aux personnes portant un couvre-chef approprié pendant le sport, en raison de leur conviction religieuse, sous peine d'une astreinte d'un montant de 1.500 S. ne modifie pas son règlement ; - Ordonner la cessation immédiate, dès le prononcé de l'ordonnance à intervenir, de toute pratique discriminatoire tant à l'égard de Madame M, partie demanderesse, que de tout autre client sur base de sa conviction religieuse dans le cadre de couvre-chef porté pour faire du sport ; - Condamner la partie défenderesse à donner accès au centre sportif à la partie demanderesse ; - Ordonner à la S.A. S. pendant trois mois à compter de la signification d'afficher le jugement à intervenir tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de ses différentes installations sportives ; - Condamner la partie défenderesse à octroyer à UNIA le montant d'un euro à titre provisionnel à titre d'indemnité forfaitaire, pour un dommage, évalué - sous toute réserve - à minimum 1.300 - Déclarer que le jugement à intervenir est exécutoire à titre provisoire, nonobstant tout recours judiciaire et toute caution ; - Condamner la partie défenderesse aux frais et dépens de l'instance en ce compris l'indemnité de 19. L. L. D. D. H. demande de : - Dire pour droit que Madame M. a été victime d'une discrimination directe et/ou à titre subsidiaire indirecte, sur la base de la conviction religieuse et du genre et que la partie défenderesse en est l'auteure, et ordonner la cessation de cette pratique discriminatoire illégale ; - Ordonner la cessation immédiate, dès le prononcé de l'ordonnance à intervenir, de toute pratique discriminatoire tant à l'égard de Madame M, partie demanderesse, que de tout autre client sur base de sa conviction religieuse dans le cadre de couvre-chef porté pour faire du sport ; - Ordonner à la S.A. S. de modifier le règlement intérieur de ses installations sportives dans un délai de vingt jours à compter du prononcé du jugement à intervenir de telle sorte qu'il soit expressément indiqué que, en ce qui concerne l'interdiction de porter un couvre-chef, une exception de principe s'applique aux personnes portant un couvre-chef approprié pendant le sport, en raison de leur conviction religieuse, sous peine d'une astreinte d'un montant de 1.500 S. ne modifie pas son règlement ; - discrimination exercée, au bénéfice des victimes de discrimination ; - Condamner la partie défenderess discrimination exercée, au bénéfice de la partie intervenante volontaire ; - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant tout recours, et sans possibilité de cantonnement ou de cautionnement ; - Condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris l'indemnité de procédure ; - A titre subsidiaire, d'adresser à la Cour de Justice, les questions préjudicielles suivantes :
  • 8. 8     1. Un règlement d'ordre intérieur d'une salle de sport, qui interdit le port de tout couvre-chef dans l'établissement « pour raison de sécurité », mais qui accorde cependant des exceptions « pour des raisons de santé », engendre-t-il une discrimination indirecte fondée sur le sexe, au sens de l'article 2, point b) de la directive 2004/113/CE du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en biens et services et la fourniture de biens et services, au motif du désavantage particulier créé à l'égard des clientes qui observent certaines règles vestimentaires destinées à se couvrir les cheveux en raison de leurs convictions religieuses ? En particulier : a) L'interdiction générale de tout couvre-chef prévue dans un règlement d'ordre intérieur d'une salle de sport, peut-elle être considérée comme un moyen approprié, nécessaire et proportionné (au sens strict) à la réalisation du but légitime de garantir la sécurité, au sens de l'article 2, point b) de la directive 2004/113 alors que des exceptions à l'interdiction sont accordées « pour des raisons de santé » ? b) L'interdiction générale de tout couvre-chef, prévue dans un règlement d'ordre intérieur d'une salle de sport, peut-elle être considérée comme un moyen approprié, nécessaire et proportionné (au sens strict) à la réalisation du but légitime de garantir la sécurité, au sens de l'article 2, point b) de la directive 2004/113 alors qu'une alternative, telle que le port d'un couvre-chef spécialement conçu pour le sport, n'a pas été envisagée ? 2. Dans le cas où Userait considéré que le règlement d'ordre intérieur d'une salle de sport, qui interdit le port de tout couvre-chef aux clients de l'établissement a pour but réel d'imposer une politique de neutralité de l'établissement plutôt que de garantir la sécurité, cela peut-il être considéré comme un but légitime au sens de l'article 2, point b) de la directive 2004/113 ? Le cas échéant, le moyen utilisé pour réaliser ce but, à savoir l'interdiction du port de tout couvre- chef aux clients de l'établissement - et non pas aux seuls membres du personnel - apparaît-il approprié, nécessaire et proportionné (au sens strict) à la réalisation de cet objectif ? 3. L'article 2, point b) de la directive 2004/113/CE, lu en combinaison avec le 3e considérant du préambule de la directive 2004/113, interprété en conformité avec le droit fondamental à la non- discrimination (article 21 de la Charte des droits fondamentaux) et la liberté de religion (article 8 de la Charte des droits fondamentaux), n'impose-t-il pas de prendre en considération le caractère intersectionnel de la différence de traitement fondée sur le sexe, la religion et l'origine ethnique, engendrée par un règlement d'ordre intérieur d'une salle de sport qui interdit le port de tout couvre-chef dans l'établissement pour raison de sécurité, sauf exception pour des raisons de santé, eu égard au désavantage particulier subi par les clientes de sexe féminin, qui se couvrent les cheveux en raison de leur foi musulmane, et sont d'une origine ethnique minoritaire ?, Et sur base des réponses obtenues, déclarer les demandes recevables et fondées ; A titre infiniment subsidiaire, condamner les parties intervenantes volontaires in solidum à une seule et même indemnité de procédure d'un montant de base. 20. Madame T., Madame E. K. et Madame D. demandent de : - Dire pour droit que les trois parties intervenantes volontaires, à savoir Madame T., Madame E. K. et Madame D. ont été victimes d'une discrimination directe et/ou à titre subsidiaire indirecte, sur la base de la conviction religieuse et du genre et que la partie défenderesse en est l'auteure, et ordonner la cessation de cette pratique discriminatoire illégale ; - Condamner la partie défenderesse au paie discrimination exercée, au bénéfice de chaque partie intervenante volontaire ; - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant tout recours, et sans possibilité de cantonnement ou de cautionnement ; - Condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris l'indemnité de procédure.
  • 9. 9     21. La S.A. S. demande de : - Déclarer la demande d'UNIA irrecevable, à tout le moins non fondée ; - La condamner aux frais de - Déclarer la demande de la partie intervenante volontaire l'ASBL L. L. D. D. H. irrecevable, à tout le moins non fondée ; - - Déclarer les demandes des parties intervenant volontairement Madame R. E. K., Madame T. et Madame D. irrecevables, à tout le moins infondées ; - Les condamner chacune aux frais de procédure, y compris l'indemnité de procédure évaluée à 3) APPRECIATION : A) LA COMPETENCE 22. UNIA et les parties intervenantes volontaires invoquent une discrimination dans l'une des matières visées par de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination ('loi anti discrimination'), en l'occurrence les articles 5, §1,1° et 8*. 23. Les parties intervenantes volontaires invoquent, en outre, une discrimination dans l'une des matières visées par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes ('loi genre'), plus précisément les articles 6, §1,1° et 8". 24. L'article 20 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination ('loi anti discrimination') et l'article 25 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes (loi genre') permettent à UNIA, L. L. D. D. H. ou aux victimes d'un acte de discrimination d'agir au civil devant le président du tribunal de première instance statuant comme en référé pour constater l'existence et ordonner la cessation d'un acte, même pénalement réprimé, constituant un manquement à leurs dispositions. En application de l'article 624 du Code judiciaire, l'action en cessation peut, au choix du demandeur, être portée devant le juge du lieu où l'acte incriminé a été commis ou encore devant le juge du lieu où cet acte a causé préjudice, en l'espèce, à Bruxelles. En conséquence, le Président du tribunal de première Instance de Bruxelles siégeant comme en référé est matériellement et territorialement compétent. B) L'AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE DE L'ARRET DU 8 SEPTEMBRE 2015 25. La S.A. S. invoque l'autorité de la chose jugée de la décision prononcée le 8 septembre 2015 dans le cadre d'une précédente procédure opposant UNIA au Centre K., qui fait obstacle à la réitération de sa demande. 26. Les antécédents de procédure de ce dossier sont les suivants : - Par requête déposée, le 22 octobre 2013, devant le Président du tribunal de 1ère instance néerlandophone de Bruxelles, le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme (devenu actuellement UNIA) a déposé une requête en cessation de discrimination à l'encontre de la S.A. S. ;
  • 10. 10     - Par jugement du 2 juin 2014, le Président du tribunal de 1ère instance néerlandophone de Bruxelles a débouté le Centre de sa demande ; - Le 21 octobre 2014, le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a interjeté appel de cette décision ; - Par un arrêt du 8 septembre 2015, la Cour d'appel de Bruxelles a confirmé la décision dont appel ; - Cette décision a actuellement acquis force de chose jugée. 27. L'article 23 du même Code dispose que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet de la décision. Il faut que la demande soit la même, que la demande repose sur la même cause, quel que soit le fondement juridique invoqué ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité ». L'autorité de chose jugée fait obstacle à la réitération de la demande (C. jud., art. 25). Il s'agit d'une fin de non-recevoir. 28. Aux termes de l'article 23 du Code judiciaire, pour qu'il y ait autorité de la chose jugée, il faut donc que trois conditions soient remplies : la chose demandée doit être la même, la demande doit être fondée sur la même cause et la demande doit être faite entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité. I. L'identité des parties 29. Il y a, en l'espèce, sensu stricto identité des parties à la cause entre les deux procédures visées. 30. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'en vertu des articles 30 et 31 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, UNIA peut agir tant à titre individuel qu'à titre collectif afin d'ordonner la cessation d'un acte constituant un manquement aux dispositions qu'elle vise. Lorsque la victime de la discrimination est une personne physique ou une personne morale identifiée, l'action de UNIA ne sera recevable que s'il prouve qu'il a reçu son accord et la victime directe peut, dans ce cas, si elle le souhaite, garder l'anonymat durant la procédure. Cette double capacité à agir a été accordée à UNIA par le législateur afin de remédier à la faible propension des victimes directes de discrimination à agir en justice et afin de leur permettre un accès effectif à la justice et obtenir la réparation du préjudice subi. 31. En l'espèce, UNIA défend l'intérêt individuel de Madame M. qui a donné son accord (pièce 1 de UNIA). Il sollicite la cessation non seulement du comportement relatif à Madame M., mais encore du comportement que la S.A. S. pourrait adopter à l'avenir à l'égard de toute autre personne qui, en raison de sa conviction religieuse, se verrait refuser l'accès aux installations sportives de la S.A. S.. UNIA poursuit donc également un intérêt collectif. 32. Dans le cadre de la procédure qui a conduit à l'arrêt du 8 septembre 2015, UNIA a poursuivi à la fois un intérêt collectif mais est aussi intervenu pour le compte ou à l'appui de deux autres victimes, à savoir Madame H. et Madame K., avec leur approbation.
  • 11. 11     UNIA a donc introduit cette procédure en justice aux cotés ou en lieu et place de deux autres victimes que Madame M. Dans cette mesure, l'on ne peut, dès lors, parler de parties identiques au procès, les situations respectives des victimes étant assurément distinctes. Ii L'identité d'objet 33. Pour ce qui concerne l'identité d'objet, les premier et quatrième chefs de la demande introduite par UNIA dans le cadre de la présente action sont effectivement identiques à ceux formés antérieurement devant la Cour d'appel, même si ces demandes sont formulées différemment. Il y a lieu de constater que de nouvelles demandes ont cependant été formulées par UNIA dans le cadre de la présente procédure. iii. L'identité de la cause 34. Il est de principe que l'exception de la chose jugée doit être écartée lorsqu'une prétention tendant aux mêmes fins, à rencontre du même adversaire, mais fondée sur une autre cause est réitérée. La cause s'entend « comme de l'ensemble des faits spécialement invoqués au soutien des prétentions, ou simplement allégués en périphérie de celles-ci» (v. D., J.-F., B., F., « 2.8.1 - Extension de l'autorité de la chose jugée par la loi « pot-pourri I » du 19 octobre 2015 » in Pot-pourri 1 et autres actualités de droit judiciaire, Bruxelles, Éditions Larder, 2016, p. 293-328). La cause est modifiée si les circonstances de fait qui sont à la base de l'action sont modifiées (Loi Pot- Pourri I, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n° 54-1219/001, p. 5). Par changement de circonstances, il faut entendre des « faits réellement nouveaux modifiant la situation juridique sur laquelle la décision antérieure a statué et non pas de simples éléments d'appréciation qui n'auraient pas été produits en temps utile mais il ne peut s'agir que d'éléments nouveaux survenus après la décision(...) » (G. D. L., «Le jugement», in Droit judiciaire, t. 2, Manuel de procédure civile (G. D. L. dir.), Bruxelles, L., 2015, p. 716, n° 7.57, note (3053), citant notamment Cass., 15 décembre 1995, Pas., 1995,1, p. 1166). 35. En l'espèce, c'est le même règlement d'ordre intérieur de la S.A. S. qui est à l'origine de l'action entamée par UNIA dans les deux procédures. Il ne peut être contesté que celui-ci est demeuré inchangé ainsi que son application dans les centres sportifs de la S.A. S.. Il ne peut également être contesté que, durant la procédure ayant conduit à l'arrêt du 8 septembre 2015, le couvre-chef adapté à la pratique sportive a été évoqué à diverses reprises, même si la Cour d'appel ne l'a pas mentionné explicitement dans son arrêt. La Cour d'appel en avait donc bien connaissance et l'existence du voile sportif était indiscutablement antérieure à ta procédure. 36. Il n'en demeure pas moins que la question actuellement soulevée par UNIA de savoir si l'alternative de porter un couvre-chef en vue de satisfaire à ses propres convictions religieuses qui soit adapté au sport
  • 12. 12     - tel que celui proposé expressément par Madame M. dans te courrier qu'elle a adressé à la S.A. S. - n'a, à aucun moment, été analysée dans la procédure menant à l'arrêt de la Cour d'appel. Partant, les circonstances de fait qui sont à la base de l'action sont modifiées et les situations de fait des deux procédures ne sont pas strictement superposables. iv. Conclusions 37. Il n'y a, en l'espèce, pas d'identité de parties, les victimes directes étant distinctes dans le cadre des deux procédure. Il n'y a également pas d'identité de la cause en raison d'un changement des circonstances de fait invoquées entre la première et la seconde procédure. Par conséquent, l'exception de l'autorité de la chose jugée soulevée par la S.A. S. doit être écartée. Si l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée, il n'en reste pas moins que, dans le cadre de la procédure au fond, un enseignement pourrait être tiré des décisions prononcées antérieurement. 38. Il résulte de ce qui précède que l'action intentée par UNIA, qui a qualité et intérêt pour agir, doit être déclarée recevable. C) LA RECEVABILITE DES INTERVENTIONS VOLONTAIRES 39. La S.A. S. invoque l'irrecevabilité de la demande formée par L. L. D. D. H. aux motifs que : - Celle-ci se rallie à la demande de UNIA qui est, elle-même, irrecevable du fait de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 8 septembre 2015 ; - Sa demande est identique à celle formulée par UNIA et concerne la même personne. Elle n'a donc pas d'intérêt à agir ; - Elle n'a pas reçu, préalablement à son intervention volontaire, l'accord de la victime tel que prévu aux articles 31 et 36 de la loi du 10 mai 2017. 40. Comme précisé plus haut, l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée en l'espèce et l'irrecevabilité soulevée pour ce motif doit donc être écartée. 41. L. L. D. D. H. dispose de la personnalité juridique et est autorisée à agir en justice, d'une part, en vertu de l'article 35 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes et, d'autre part, de l'article 20 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination qui permettent à tout établissement d'utilité publique et toute association, jouissant de la personnalité juridique depuis au moins trois ans à la date des faits, et se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'homme ou de combattre la discrimination, d'agir au civil devant le président du tribunal de première instance statuant comme en référé pour constater l'existence et ordonner la cessation d'un acte, même pénalement réprimé, constituant un manquement à ses dispositions. Elle dispose d'un intérêt propre à agir, distinct de celui d'UNIA, en vertu de ses statuts. Ensuite, et conformément à l'exigence formulée à l'article 36 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes et à l'article 31 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, le 1er février 2019, la victime a marqué expressément
  • 13. 13     son accord sur cette action, soit antérieurement au dépôt de la requête en intervention de L. L. D. D. H. intervenue le 5 avril 2019 (pièce 2 de la Ligue). Il importe peu à cet égard que la décision prise par le Conseil d'administration de L. L. D. D. H. d'introduire une action en cessation contre la S.A. S. soit antérieure à cet accord (pièce 1 de la Ligue). L'intervention volontaire de L. L. D. D. H. sera, en conséquence de ce qui précède, déclarée recevable. 42. La S.A. S. invoque également l'irrecevabilité de la demande formée par Madame T., Madame E. K. et Madame D. aux motifs que : - Celles-ci se rallient à la demande de UNIA qui est, elle-même, irrecevable du fait de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 8 septembre 2015 ; - Leur demande est identique à celle formulée par UNIA et L. L. D. D. H.. Elles n'ont, dès lors, aucun intérêt à agir. 43. Comme précisé plus haut, l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée en l'espèce et l'irrecevabilité soulevée pour ce motif doit donc être écartée. 44. Madame T., Madame E. K. et Madame D. sont autorisées à agir en justice en vertu de l'article 35 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes et de l'article 20 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination qui permettent à toute victime d'agir au civil devant le président du tribunal de première instance statuant comme en référé pour constater l'existence et ordonner la cessation d'un acte, même pénalement réprimé, constituant un manquement à ses dispositions. Elles disposent d'un intérêt direct et personnel à agir, dès lors qu'elles déclarent se voir refuser l'accès à une salle de sport en raison de leur conviction religieuse et de leur genre et qu'elles s'estiment, de ce fait, victimes d'une discrimination directe et/ou à titre subsidiaire, indirecte. Leur intervention volontaire à la présente cause doit donc être déclarée recevable. D) EXAMEN DU FOND DU LITIGE 45. UNIA considère que le libellé du règlement d'ordre intérieur constitue une discrimination directe ou, à tout le moins, indirecte au sens de la loi générale anti-discrimination du 10 mai 2007. L. L. D. D. H. et les parties intervenantes volontaires soutiennent que le règlement d'ordre intérieur constitue une discrimination directe ou, à tout le moins, indirecte au sens de la loi anti-discrimination ainsi qu'au sens de la loi genre. 46. Les principes d'égalité et de non-discrimination sont consacrés par diverses normes élaborées au niveau international, notamment par l'Organisation des Nations Unies (art. 26 du PIDCP), le Conseil de l'Europe (art. 14 CEDH et art. 20, 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux) et, enfin, l'Union Européenne. Plus précisément, l'Union européenne a, notamment, adopté une Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès des biens et services et la fourniture de biens et services.
  • 14. 14     Celles-ci ont été transposées en droit belge dans la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (dite 'loi générale anti-discrimination') et la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes (dite 'loi genre'). 47. Sur le plan national, la Constitution consacre, en ses articles.10 et 11, les principes d'égalité et de non- discrimination. Ces principes ont une portée générale et interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine. L'article 11bis vise plus spécifiquement les principes d'égalité et de non-discrimination en matière de genre. 48. L'article 19 de la Constitution consacre, quant à lui, la liberté de conscience et de religion, également inscrit à l'article 9 de la CEDH. La liberté de religion relève, dans sa composante absolue, du for intérieur. Il s'agit du droit de toute personne d'avoir une religion, une croyance, une conviction et le droit d'en changer. Ce droit ne peut faire l'objet d'aucune restriction. Cette liberté implique également une composante relative, celle de manifester sa religion individuellement, dans l'espace privé, ou de manière collective, en public, ceci par le culte, l'accomplissement de rites, les pratiques et l'enseignement. Cette liberté implique corrélativement l'obligation de tout un chacun de respecter les convictions d'autrui mais également les manifestations visibles de celles-ci. La liberté de religion ne protège toutefois pas n'importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou une conviction1 . Cette composante relative peut, quant à elle, faire l'objet de certaines restrictions par l'Etat. Ces limitations doivent, toutefois, répondre à certaines conditions. Elles doivent être prévues par la loi, être justifiées par un but légitime, à savoir la sécurité publique, la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publique, la protection des droits et libertés d'autrui et constituer des mesures nécessaires, dans une société démocratique pour réaliser l'un de ces buts légitimes. 49. L'article 14 de la loi générale anti-discrimination et l'article 19 de la loi genre énumèrent les différentes formes de discrimination et, entre autres, la discrimination directe et la discrimination indirecte. Ces comportements ne sont visés par ces législations que s'ils sont liés à un critère protégé énuméré dans la loi applicable à la situation en cause. L'un des critères protégés dans la définition de la discrimination directe et indirecte de la loi anti- discrimination est la conviction religieuse ou philosophique. La loi genre tend à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes et le critère protégé est, dans ce cas, fondé sur le sexe. 50. La loi générale anti-discrimination et la loi genre comprennent notamment les matières suivantes : - L'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services à la disposition du public (art. 5, §1,1° et 6, §1,1") ; - L'accès, la participation et tout autre exercice d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique accessible au public (art. 5, §1, 8° et 6, §1,8).   1     C.E.D.H. (gde ch.), arrêt L. S. c. Turquie, 10 novembre 2005, req. n°44774/98, §105.  
  • 15. 15     Cette interdiction de discrimination s'applique à toutes les personnes, tant pour le service public que pour le secteur privé. L'accès à une salle de sport, comme c'est le cas en l'espèce, est repris dans les matières énoncées ci- dessus. a. Quant à l'existence d'un critère protégé 51. Il est de jurisprudence constante que le port du voile par une femme peut être considéré comme étant constitutif de l'expression d'une conviction religieuse dès lors que cette femme le ressent comme tel et le revêt pour ce motif. Dans un tel contexte, le fait d'interdire le port du voile est constitutif d'une ingérence dans sa liberté de religion, et, plus précisément, dans son droit de manifester ses convictions religieuses2 . Nous sommes en présence d'un critère protégé par la loi générale anti-discrimination. 52. Pour ce qui concerne la loi genre, il est soutenu par la L. D. D. H. et les parties intervenantes volontaires que ces dernières et Madame M. font l'objet d'une discrimination parce qu'elles sont des femmes et qu'elles sont musulmanes. Elles font ainsi l'objet d'une discrimination en raison de la combinaison de plusieurs critères de discrimination. Dans ce cas, le critère du sexe à lui seul ne suffit pas à générer la discrimination. C'est parce qu'il est combiné à un second motif (la religion musulmane en l'espèce) que le comportement discriminatoire intervient. Est alors dénoncée une « discrimination intersectorielle », celle qui résulte de l'intersection de plusieurs critères3 . Allant en ce sens, l'article 13c. de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), que la Belgique a ratifiée en 1985, prévoit que « les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans d'autres domaines de la vie économique et sociale, afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les mêmes droits et, en particulier, (...) le droit de participer aux activités récréatives, aux sports et à tous les aspects de la vie culturelle ».   2     Ce raisonnement est admis tant par les juridictions européennes (voir note de bas de page n°14 à 16), que par les juridictions suprêmes belges, cfr. notamment C. Const., 6 décembre 2012, arrêt n°145/2012 ; CE. (9e ch.), 14 octobre 2014, n°228.752, Singh, §27.1 ; Cass. 9 octobre 2017, www.iuridat.be   3     S. F., « Intersectional discrimination in EU gender equality and non-discrimination law », European network of legal experts in gender equality and non-discrimination (European Commission), Mai 2016; Voy. Également Comité des Minsitres du Conseil de l'Europe, Les normes et mécanismes d'égalité entre les hommes et les femmes, Recommandation CM/Rec (2017)17, Strasbourg, 2018, p. 33, §59 : « Certains groupes de femmes se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable, due à la combinaison de leur sexe avec d'autres facteurs, notamment leur(...) religion (...). En plus de la discrimination fondée sur le sexe, ces femmes sont fréquemment soumises à un ou plusieurs autres types de discrimination ».  
  • 16. 16     b. Quant à l'existence d'une discrimination directe 53. Il est question de discrimination directe lorsqu'il existe une « distinction directe, fondée sur l'un des critères protégés, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II [de la loi anti- discrimination] » (art. 4,7° de la loi générale anti-discrimination) et lorsqu'il existe une « distinction directe, fondée sur le sexe, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II (de la loi genre] (art.5,6° de la loi genre). Une distinction directe est « la situation qui se produit lorsque sur la base de l'un des critères protégés, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre personne ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable » (art. 4, 6° de la loi générale anti-discrimination) et « la situation qui se produit lorsque, sur la base du sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre personne ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable » (art. 5,5° de la loi genre). 54. La situation de discrimination dénoncée trouve son origine dans le règlement interne des différents centres sportifs de la S.A. S. qui prévoit, dans sa rubrique « Tenue vestimentaire et accessoires » que : « Pour raison de sécurité, des casquettes, écharpes, vêtements avec capuchon, couvre-chef, ou tout autre vêtement ample ou accessoire vestimentaire, sont interdits. » La phrase subséquente du règlement stipule ensuite que : « Pour des raisons de santé, des exceptions pourront être accordées, en commun accord avec le responsable. Les longs cheveux doivent obligatoirement être attachés. » 55. Dans le règlement d'ordre intérieur litigieux, l'interdiction du port du couvre-chef est édictée de manière générale et s'applique indifféremment à toute personne qui souhaite porter un couvre-chef, pour quelque motif que ce soit, indépendamment de leur conviction religieuse ou philosophique ou de leur sexe. Elle vise également tout couvre-chef quelconque, au même titre que les casquettes, écharpes, vêtements avec capuchon ou tout autre vêtement ample ou accessoire vestimentaire. La S.A. S. a opté pour une formulation qui englobe plusieurs situations susceptibles de causer problème, sans prendre en considération en particulier la possibilité de porter un signe convictionnel religieux ou philosophique, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme. La seule exception visée est celle relative aux raisons de santé mais celle-ci vaut également pour tous les utilisateurs des centres de manière indifférenciée, en ce compris ceux qui entendraient porter un couvre-chef en tant que manifestation de leur conviction religieuse ou philosophique, et quel que soit leur sexe. 56. En conclusion, Madame M., les parties intervenantes volontaires ou tout autre femme de confession musulmane qui entend porter un couvre-chef à titre de manifestation de sa conviction religieuse ou philosophique ne sont pas traitées de manière moins favorable que les autres. Dans cette mesure, le règlement litigieux n'instaure pas de discrimination fondée directement et spécifiquement sur la religion ou le sexe et la religion, à l'égard de Madame M., des parties intervenantes volontaires ou de toute autre personne qui entend porter un couvre-chef à titre de manifestation de sa conviction religieuse ou philosophique. c. Quant à l'existence d'une discrimination indirecte 57.
  • 17. 17     Il est question de discrimination indirecte lorsqu'il existe « une distinction indirecte fondée sur l'un des critères protégés, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II [de la loi anti- discrimination]» (art. 4, 9° de la loi générale anti-discrimination) et lorsqu'il existe une «distinction indirecte fondée sur le sexe, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions [de la loi genre] » (art. 5. 8° de la loi genre). Une distinction indirecte est « la situation qui se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner, par rapport à d'autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l'un des critères protégés » (art. 4, 8° de la loi générale anti-discrimination) et «/a situation qui se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner, par rapport à d'autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes d'un sexe déterminé » (art. 5, 7° de la loi genre). 1°/ la distinction indirecte fondée sur la religion 58. En l'espèce, en prohibant le port de tout couvre-chef sauf pour des raisons de santé, le règlement d'ordre intérieur litigieux, malgré sa formule apparemment neutre, entraîne un désavantage particulier pour les personnes qui font valoir que leur religion leur impose le port d'un signe particulier et qui entendent manifester leur conviction religieuse par le port de ce signe. Tel est le cas de Madame M. et des intervenantes volontaires qui puisent dans leur conviction religieuse l'obligation de porter un voile. Celles-ci sont alors face à un dilemme : soit elles retirent leur voile, soit elles doivent renoncer à avoir accès à des activités sportives alors qu'il se doit d'être assuré, quelque que soit sa conviction religieuse, le droit aux sports. Il existe bien une distinction indirecte fondée sur la religion, comme l'a d'ailleurs affirmé précédemment la Cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt du 8 septembre 2015. 2°/ la distinction indirecte fondée sur le genre 59. Il ne ressort, en revanche, ni du règlement d'ordre intérieur litigieux ni des explications fournies par Madame M. et les intervenantes volontaires que cette interdiction ciblerait en particulier les femmes de confession musulmane qui seraient particulièrement désavantagées par rapport à d'autres personnes, en raison des critères combinés de leur sexe et de leur conviction religieuse. Les statistiques dont fait état L. L. D. D. H. à cet égard ne sont pas suffisamment significatives pour établir que ce type d'interdictions touche principalement les femmes de religion musulmane « étant donné qu'en Belgique, la majorité des personnes portant un couvre-chef pour raisons religieuses sont des femmes de confession musulmane »4 5 et que l'interdiction visée crée un impact disproportionné sur les femmes de confession musulmane qui portent le voile. L'interdiction visée en l'espèce s'applique, en effet, à tous les groupes religieux de manière égale et peu importe le genre.   4     Statistiques recensées par L'Observatoire de la Liberté Religieuse dans son rapport de 2018 : https://www.liberte-religieuse.org/belgique/ : « Musulmans : 6.5%, Autres (dont personnes juives) : 0.9% » ; E. B. et I. R., « Country report Non-discrimination Belgium Reporting period 1 January 2017 - 31 December 2017 », 2018, p.5 : « Musulmans (5 %), personnes juives (0,4 %) » (chiffres datant de 2012)   5     Centre interfédéral pour l'égalité des chances, « Le travail du Centre exprimé en chiffres pour l'année 2014 », octobre 2015, p. 30  
  • 18. 18     Elle s'applique tout autant et indifféremment, par exemple, aux hommes juifs qui souhaitent porter la kippa ou aux hommes sikhs qui souhaitent porter le turban. L'existence d'une distinction indirecte fondée sur le genre, à savoir la combinaison des critères fondés sur la conviction religieuse et le sexe n'est, dès lors, pas établie. 37 discrimination indirecte fondée sur la religion ? 60. Il y a lieu de vérifier si cette distinction indirecte fondée sur la conviction religieuse ou philosophique est constitutive ou non d'une discrimination indirecte. 61. Pour pallier aux difficultés rencontrées par la victime de prouver qu'elle a été discriminée, les lois fédérales ont adopté la règle du partage ou de l'aménagement de la charge de la preuve. Aux termes de l'article 28, §1, de la loi anti-discrimination et de l'article 33 de la loi genre, lorsqu'une personne qui s'estime victime d'une discrimination invoque devant une juridiction des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'un des motifs protégés, la charge de la preuve se déplace et il incombe au défendeur de prouver qu'il n'y a pas eu de discrimination. Dans un premier temps, la victime doit donc démontrer l'existence de faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination. 62. En l'espèce, une présomption de discrimination indirecte fondée sur la conviction religieuse ou philosophique est établie. En effet, Madame M. et les intervenantes volontaires rapportent, avec suffisamment de détails et de précision, les incidents auxquelles elles ont été confrontées lors de leur demande d'avoir accès aux salles de sport munies de leur voile. Ces déclarations convergentes n'ont pas fait l'objet de contestations par la S.A. S.. Le refus de prendre en considération la proposition de Madame M. d'avoir accès aux salles de sport en portant un voile sportif vient également corroborer ces témoignages recueillis dans un processus de vente d'un service à un client. Ces éléments constituent un faisceau d'éléments qui laissent présumer une discrimination indirecte sur la base du critère de la religion. 63. La S.A S. fait valoir qu'une grande partie de la clientèle et du personnel de ses établissements sportifs seraient des hommes ou des femmes d'origine étrangère de toute confession et qu'elle n'a, dès lors, aucune intention ni même d'intérêt économique à discriminer sa clientèle. Il y a lieu toutefois de rappeler que, ni dans le cas d'une discrimination indirecte, ni dans celui d'une discrimination directe, les lois fédérales n'exigent de prouver que l'auteur de la mesure avait l'intention de discriminer ou avait même conscience que son comportement était discriminatoire. Seul le constat d'une discrimination est exigé et non la preuve d'une faute dans le chef de l'auteur du traitement discriminatoire.
  • 19. 19     Cette simple affirmation de la S.A. S. ne permet, dès lors, pas de renverser la présomption d'une discrimination indirecte fondée sur la base du critère de la religion. De même, l'existence des 'Women's corner' créés au sein des établissements de la S.A S. afin de respecter une partie de sa clientèle féminine qui, pour des raisons de pudeur, d'intimité ou de malaise quant à leur apparence physique, est réticente à fréquenter des salles mixtes n'est pas pertinente pour conclure à l'absence de discrimination indirecte sur la base de la liberté religieuse. d. Quant à l'existence d'un but légitime et l'adéquation des moyens réalisés pour y parvenir 64. Selon l'article 9, alinéa 2, de la CDEH, « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». 65. En droit belge, l'article 9 de la loi anti-discrimination du 10 mai 2007 prévoit que toute distinction indirecte fondée sur l'un des critères protégés constitue une discrimination indirecte, à moins que la disposition, le critère ou la pratique apparemment neutre qui est au fondement de cette distinction indirecte soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but soient appropriés et nécessaires. Il appartient, par conséquent à la S.A S. d'apporter la preuve que les dispositions litigieuses du règlement d'ordre intérieur sont objectivement justifiées par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but sont appropriés et nécessaires. 66. La S.A. S. expose que l'interdiction de porter un couvre-chef dans ses établissements sportifs n'est motivé que par des raisons de sécurité envers les utilisateurs, que même le port d'un couvre-chef sportif n'est pas sans risque et que celui-ci ne permet donc pas d'atteindre l'objectif d'exclure tout risque en matière de sécurité. La S.A. S. précise que l'exception prévue à l'interdiction de porter un couvre-chef en raison de l'état de santé de l'utilisateur est strictement limitée et circonscrite aux cas où une personne serait atteinte de maladies, telles que des maladies inflammatoires de la peau (type psoriasis,...), pour laquelle la pratique d'un sport est autorisée mais qui nécessite néanmoins le port d'un couvre-chef pour des raisons d'hygiène et de santé. Ce vêtement n'est, par ailleurs, accepté qu'après accord du et en concertation avec le responsable. Elle déclare qu'il est impossible d'exiger de demander à son personnel, sauf dans les cas exceptionnels pour raisons de santé, de faire des vérifications auprès de ses 60.000 clients pour déterminer qui peut avoir accès à certains appareils ou non dans ses centres et comment ces personnes doivent être vêtues. 67. Selon UNIA et les intervenants volontaires, il y a lieu de se demander si le foulard porté pour une raison religieuse cause un trouble réel et suffisamment grave au niveau de la sécurité des centres sportifs pour justifier l'interdiction et si des mesures alternatives à l'interdiction moins attentatoires aux droits ne permettraient pas d'atteindre le même but. 68. Il n'est ni contesté ni contestable que l'objectif général poursuivi par les centres de sport d'assurer la sécurité de leurs usagers est légitime, l'utilisation de certains appareils de fitness en portant un certain type de vêtements pouvant se révéler dangereuse.
  • 20. 20     Pour cette raison, les constructeurs de ces appareils (pièce 3 de la S.A. S.) recommandent expressément de : « NE PAS porter de vêtements amples ni de bijoux pendants lors de l'utilisation de l'appareil de musculation à charge manuelle. Se tenir à distance des composants mobiles. Les vêtements amples ou les bijoux pendants peuvent se prendre dans les pièces mobiles, pouvant ainsi entraîner des blessures ou lésions graves ou abîmer vos vêtements ou bijoux » (sic). Dans le même sens, la Cour d'appel de Bruxelles a rappelé, dans son arrêt du 8 mai 2015, que le principe de sécurité peut permettre, dans certaines circonstances, de justifier une ingérence dans les droits et libertés des utilisateurs des salles de sport afin que leur intégrité physique ne soit pas compromise. Il s'agit là d'un but légitime qui répond au besoin réel de l'entreprise de préserver l'intégrité physique des utilisateurs. 69. L'interdiction de tout couvre-chef dans le règlement d'ordre intérieur litigieux permet indubitablement de répondre à cet objectif légitime de sécurité. Elle contribue de manière certaine à la réalisation de cet objectif. La mesure apparemment neutre proposée est donc appropriée pour atteindre l'objectif légitime visé. 70. Reste à examiner la question de savoir si la mesure apparemment neutre est nécessaire afin d'atteindre l'objectif légitime poursuivi et si cet objectif ne peut être atteint avec d'autres moyens qui n'entraînent pas une distinction indirecte. 71. Dans la balance des intérêts, il y a lieu de prendre en considération les éléments suivants : - La liberté religieuse est un droit fondamental et essentiel dans nos sociétés démocratiques et le fait d'interdire le port du voile à un femme musulmane est constitutif d'une ingérence dans sa liberté de religion et plus précisément, dans son droit de manifester ses convictions religieuses ; - Les caractéristiques liées au port du voile classique sont intrinsèquement en contradiction avec les règles de sécurité imposées par les constructeurs des engins de fitness, tout comme celles liées notamment au turban ou à la kippa ; - Il n'est cependant pas démontré que le port du voile adapté au sport de la marque Nike mis en vente en Belgique depuis fin 2017, tel que celui proposé par Madame M. dans son courrier adressé à la S.A. S., constitue une alternative acceptable en termes de sécurité en vue de satisfaire à ses convictions religieuses. Il n'est, en effet, pas établi que ce foulard puisse être porté de manière compatible avec les impératifs de sécurité tels qu'exigés dans des salles de fitness pour certains appareils (risque p.e. que le voile se prenne dans divers mécanismes), il se porte, en effet, relativement long et tombe au niveau des épaules. Il semble, par ailleurs, n'être utilisé que pour l'extérieur, sans appareils ; - Il ne peut également être exigé des centres sportifs de contrôler, au cas par cas, hormis les cas exceptionnels pour raisons de santé, la conformité de chaque couvre-chef, de dire s'il est spécifiquement adapté au sport et, de manière générale, de vérifier comment les personnes sont vêtues. Il ne peut être également exigé du personnel de vérifier dans quelle zone du complexe sportif un couvre-chef peut être admis ou non. Il convient également d'éviter toute discussion avec le personnel concernant quel couvre-chef constituerait un danger pour la sécurité ou non. Dans ces conditions, l'on ne peut raisonnablement exiger du règlement d'ordre intérieur de la S.A. S. qu'il soit formulé autrement que de manière générale, une politique du cas par cas, n'étant pas une alternative praticable.
  • 21. 21     Eu égard à ces éléments, après avoir pris en compte la balance des intérêts, il appert que la solution proposée par UNIA et les intervenants volontaires de porter le voile Nike adapté au sport n'est pas sans risque en matière de sécurité et qu'il ne permet donc pas d'atteindre l'objectif légitime de sécurité visé. Se justifie par conséquent la nécessité du maintien d'une interdiction générale qui constitue une justification objective, raisonnable et proportionnée et, par conséquent, admissible au fait d'autoriser uniquement des exceptions de porter le couvre-chef pour des raisons de santé et non sur la base de la conviction religieuse. 72. En conclusions, la mesure résiste au test de proportionnalité, les moyens employés étant appropriés et nécessaires à l'objectif poursuivi. Il y a lieu, par voie de conséquence, de déclarer l'action en cessation non fondée. 73. UNIA, L. L. D. D. H. et les intervenantes volontaires succombant à leur action, il y a lieu de les condamner aux dépens. Il sera dû à la S.A S. Toutefois, celle- volontaires, en raison du caractère déraisonnable de la situation. PAR CES MOTIFS, Nous, L. V., juge désigné pour remplacer la présidente du tribunal de première instance francophone de Bruxelles ; Assisté de J-B. H., greffier délégué ; Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, Déclarons recevables les interventions volontaires de L. L. D. D. H., de Mme E. K., de Mme T. et de Mme D. ; Disons l'action principale recevable mais non fondée : Condamnons UNIA, L. L. D. D. H., Mme E. K., Mme T. et Mme D. aux dépens liquidés dans le chef de la S.A S. L. L. D. D. H. . K., Mme T. et Mme D. ; En application de l'article 2692 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de la chambre des référés du tribunal de première instance francophone de Bruxelles le 04 février 2020, Où étaient présents et siégeaient : Mme L. V., juge, M J-B H., greffier délégué,